Bientôt une loi européenne pour les héritages : le Sénat français fait connaître sa position

Nea say a présenté en détail la proposition récente de la Commission européenne. Le sénateur Pierre Fauchon vient de soumettre une proposition de résolution sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (E 4863), dont cette commission s’est saisie,

Ce texte constitue l’aboutissement de la démarche initiée par la Commission européenne dès 2005 dans son livre vert sur les successions et testaments, conformément aux recommandations formulées par le Conseil européen dans le programme de la Haye des 4 et 5 novembre 2004. Sans remettre en cause les règles nationales des États membres en matière de successions, il vise à unifier et simplifier le règlement des successions transfrontalières au sein de l’Union.

En principe, le droit des successions relève de la loi nationale. Cependant la situation est rendue plus complexe lorsque la succession présente un caractère transfrontalier. Tel est le cas lorsque certains biens de la masse successorale sont présents dans plusieurs pays différents, ou lorsque le défunt ne réside pas dans son pays d’origine ou enfin lorsque ses héritiers ne résident pas dans le même pays que lui. La Commission européenne évalue à 450 000 le nombre de successions ouvertes chaque année dans l’Union européenne qui présentent un caractère international. Dans de tels cas, pour régler la succession, il est nécessaire de déterminer quel est le juge ou l’officier ministériel national compétent et quelle(s) loi(s) il lui appartient d’appliquer à la succession.

En l’absence d’harmonisation ou de conventions bilatérales, les successions transfrontalières relèvent donc des législations nationales. Or celles-ci sont très diverses et peuvent entrer en concurrence les unes avec les autres.

Néanmoins, partout le principe est le même : il s’agit d’apporter une protection particulière aux membres de la famille du défunt, y compris contre lui-même en lui interdisant de les déshériter et en leur permettant d’obtenir la réduction des libéralités qui auraient, le cas échéant, lésé leurs droits sur la succession. Certains pays européens ne connaissent cependant pas ce mécanisme de la réserve héréditaire et permettent à leurs ressortissants de s’en affranchir en consacrant leur absolue liberté testamentaire. Tel est le cas du Royaume-Uni, à l’exception de l’Écosse.

Or, si la proposition de règlement communautaire était adoptée en l’état, elle permettrait à un Français, par le jeu des principes qu’elle pose, d’échapper à la contrainte de la réserve héréditaire et de déshériter en droit ses enfants : il lui suffirait en effet de fixer sa résidence en Grande-Bretagne et de rédiger un testament réglant sa succession qui écarte ses enfants. À son décès, le juge compétent serait le juge anglais et la loi applicable, la loi anglaise qui reconnaît son entière liberté testamentaire et ne prévoit pas de mécanisme de réserve héréditaire qui s’impose aux dispositions testamentaires. Même si certains biens de la succession étaient situés en France, les autorités françaises ne pourraient s’opposer à l’exécution de la succession conformément à la loi anglaise, alors qu’aujourd’hui, par le mécanisme du « prélèvement », il arrive que les juridictions françaises tentent de rétablir un héritier réservataire dans son droit en prélevant sur la part des biens situés en France, une somme équivalente à celle qu’il aurait dû percevoir sur la totalité de la succession si son droit d’héritier réservataire avait été reconnu par la loi qui a réglé la succession. La possibilité ainsi offerte à un Français d’échapper à l’exigence de la réserve héréditaire, ne saurait être acceptée, compte tenu de l’importance, tant historique que symbolique, de cette règle dans le droit français de la famille.

C’est là le seul véritable point sur lequel le Sénat s’oppose à la proposition de la Commission

Pour le sénateur il s’agit là d’une question de principe, qui exige qu’on écarte tout dispositif qui fragilise le mécanisme de la réserve héréditaire en permettant à un Français de la contourner en droit. C’est pourquoi, la présente proposition de résolution européenne, tout en saluant la pertinence et la qualité de la proposition de règlement soumise au Sénat, invite le gouvernement à faire en sorte qu’elle soit amendée afin de faire obstacle à ce que le ressortissant d’un État membre puisse échapper, si son pays d’origine connaît un tel mécanisme, aux règles de la réserve héréditaire. La position ainsi proposée devrait pouvoir rencontrer un écho favorable auprès de la très grande majorité de nos partenaires européens qui connaissent un mécanisme équivalent à celui de la réserve héréditaire. De plus, elle n’impose de modifier le texte présenté par la commission que de manière marginale, dans la stricte mesure nécessaire à la protection de la réserve héréditaire, sans remettre en cause les principes établis par l’accord envisagé. Enfin elle permet, en préservant la réserve héréditaire, dont la finalité de protection de l’unité familiale est avérée, de ne pas fragiliser la base juridique sur laquelle repose le présent texte, qui ne peut être soumis à la procédure de codécision qu’à la condition qu’il ne comprenne pas d’aspect touchant au droit de la famille. Par ailleurs le sénateur exprime son plein accord avec les principes retenus par la Commission européenne dans la proposition de règlement soumise au Parlement européen et au Conseil pour la détermination de la compétence juridique ou l’exécution des décisions rendues en matière successorale, et, en particulier, la règle selon laquelle la loi applicable à la succession est celle de la dernière résidence habituelle du défunt, ou, si ce dernier a en décidé ainsi dans son testament, la loi de sa nationalité.

Textes figurant au dossier http://www.senat.fr/dossierleg/ppr09-126.html

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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