Justice et religions…semblent avoir dominé les débats sociétaux au cours de ces derniers mois. Pour s’en convaincre parcourons rapidement les tables des matières des différents numéros de Nea Say…

Pour ce qui est des religions ou pour être plus exact des signes religieux identitaires, les exemples sont spectaculaires : port du voile intégral ou burqa en France, minarets suisses, crucifix dans les écoles italiennes, repos du dimanche en Allemagne… Nous reviendrons dans un prochain éditorial sur le religieux, aujourd’hui tenons nous en à la justice, l’adoption du Programme de Stockholm oblige ! En matière de Justice, il est un impératif : réconcilier les européens avec la justice, un point qui n’est pas inscrit, si non en filigranes, dans le programme de Stockholm.


Le malaise est palpable dans tous nos Etats membres de l’Union européenne, même s’il s’exprime selon des modalités différentes. Quelques idées simples sont nécessaire pour rétablir la confiance .

-. Permettre un vrai débat citoyen sur le fonctionnement de la justice. La justice apparait , pour l’opinion publique, comme une institution incapable de se remettre en question. La raison en est  une  méconnaissance  des attentes des justiciables . Un vrai débat citoyen serait l’occasion de répondre aux critiques qui  sont souvent adressées à la justice. Les tribunaux pourraient par ailleurs, comme cela se fait déjà parfois dans certains pays, faire circuler des questionnaires permettant de sonder la population.

-. Aux dires des justiciables, la justice aurait des difficultés à se montrer réellement indépendante du pouvoir politique. Le statut du procureur varie de pays à pays, en France sa réforme suscite des polémiques. Une façon de pacifier le débat ne consisterait-elle pas à porter le débat  au niveau européen. A défaut de réconcilier les partisans des différentes écoles, un tel  débat sur les diverses pratiques en cours en Europe aurait , espère-t-on, des vertus apaisantes porteuses d’une confiance accrue dans la justice.

-. Rendre le citoyen acteur de la procédure grâce à la pratique systématique de la médiation. Face à ces citoyens qui ont, le plus souvent, beaucoup de mal à se sentir vraiment acteurs des procédures judiciaires, la médiation est une solution d’avenir. Elle enrichit considérablement le dispositif judiciaire en permettant aux personnes concernées de rester en contact constant autour d’un médiateur. Le tout, loin des logiques classiques d’affrontement propres aux audiences judiciaires. La médiation permet de verbaliser ses différends et de chercher une solution acceptable par les deux parties. L’accord auquel elles aboutissent est, par définition, mieux compris et souhaité par elles. Les vertus propres de la médiation ne peuvent que se renforcer à l’occasion de litiges, conflits de toutes sortes et procès transfrontaliers.

– . Mieux évaluer la dangerosité des délinquants et criminels de toute nature et pas seulement les délinquants sexuels. La récidive criminelle scandalise, à juste titre, les justiciables. Comment réformer les dispositifs actuel s de suivi des criminels ,et plus particulièrement les plus dangereux d’entre eux qui souvent pensent trouver une protection , illusoire, en franchissant les frontières.

-. Allouer davantage de moyens pour accélérer les procédures.  Les justiciables et les parties civiles se plaignent de devoir attendre de longs mois, voire des années, avant que justice ne soit rendue. Cet allongement des délais s’explique parfois du fait de la multiplication des possibilités d’appel octroyées aux mis en examen. La plupart du temps cependant, l’allongement des procédures découle du manque de moyens des juridictions. Le contentieux ne cesse en effet d’augmenter quand, dans le même temps les recrutements de magistrats se tarissent. Quant aux enveloppes budgétaires allouées aux tribunaux, elles n’empêchent pas certains de se retrouver en cessation de paiement en plein milieu de l’année. Ce qui retarde évidemment l’ensemble des procédures. Une justice asphyxiée ne peut être à la hauteur des attentes des citoyens.

– . Garantir une véritable exécution des peines : chaque année, des milliers de peines, pour des raisons diverses, tardent à être exécutées, notamment faute de place dans les établissements pénitentiaires susceptibles d’accueillir les condamnés. C’est notamment le cas en prison, des prisons surpeuplées, mais, aussi au sein des établissements pour peine aménagée et des centres de semi-liberté. Les condamnés sont convoqués longtemps après le prononcé du jugement quand ils ne se sont pas évanouis dans la nature… autant de situations qui scandalisent le citoyen. Qu’en est-il des peines se substitution ?

– . La justice est mal connue et de ce fait le citoyen se méfie d’elle faute de comprendre son fonctionnement. Elever la culture juridique élémentaire du citoyen est certainement un impératif.  C’est une nécessité pour l’exercice d’une citoyenneté éclairée.

-. Instituer des référents éthiques au sein des tribunaux : aux yeux de l’opinion publique, les fautes commises par les magistrats semblent ne jamais réellement déboucher sur une sanction. Les magistrats faisant face à des dilemmes importants pourraient se retourner vers eux afin d’être conseillés. Un tel dispositif permettrait de recenser les bonnes pratiques et de les diffuser à l’ensemble de la profession.

-. Les droits de la défense doivent être considérablement réformés pour consolider leur plein exercice. C’est le problème de la garde à vue en France par exemple, comme nous l’avons signalé dans Nea say, par exemple, où le placé en garde à vue ne dispose pas immédiatement d’un avocat. L’Espagne, qui vit pourtant dans la menace permanente des attaques terroristes, a légalisé depuis près de trente ans l’assistance d’un avocat en garde à vue ce qui n’a pas entrainé une moindre efficacité dans la lutte contre le terrorisme ou la multiplication des remises en liberté intempestives des criminels les plus dangereux.  Une réforme s’impose partout dans nos Etats, d’autant plus que c’est désormais, nous l’avons vu, une exigence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Cette énumération imparfaite et maladroite devrait nous convaincre de la nécessité d’un grand débat sur la Justice en Europe. Certes le Conseil de l’Europe mène en permanence un audit  sur le fonctionnement de la Justice allant bien au-delà de son activité jurisprudentielle. Mais cette action, de qualité, reste trop discrète, espacée dans le temps, aléatoire (par exemple cela fait plus de quatre ans que le Parlement européen n’a pas réuni les présidents de Cours suprêmes). Hémiplégique est-on tenté d’ajouter car elle a tendance naturellement et de façon légitime à ne prendre en considération que ce qui fait son pain quotidien. Le champ d’application du droit de l’Union européen a gagné en ampleur notamment avec l’Espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ) au cours de la dernière décennie , en diversité aussi, au point qu’il n’est plus possible désormais  de vivre dans une dichotomie  permanente, symbolisée par les deux Cours de Justice, celle de Luxembourg et celle de Strasbourg. L’adhésion programmée de l’Union avec le traité de Lisbonne à la Convention européenne des droits de l’homme représente une incitation supplémentaire tout comme avec une Charte des droits fondamentaux

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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