Le statut du réfugié climatique, un oubli du Programme de Stockholm ? Appel à un surcroît de vigilance du parlement européen.

La création d’un statut européen de réfugié climatique (sur lequel Nea say a attiré l’attention à plusieurs reprises ) n’est pas manifestement à l’ordre du jour ou bien doit-on le considérer qu’il l’est, mais de façon occultée ce qui n’est pas mieux. Certes le facteur environnemental n’explique pas tout dans les migrations et donc il doit avoir sa part, sans subir l’effet de mode, de subir l’effet grossissant de la loupe,  au risque de tomber à plat demain. Seulement sa part, mais toute sa part.


Selon une publication récente de l’Université des Nations unies et de l’Institut de la sécurité environnementale et humaine (UNU-EHS), Control, Adapt or Flee, How to Face Environmental Migration http://www.ehs.unu.edu/file.php?id=259

, la protection internationale actuelle des migrants ne prend pas suffisamment en compte l’imbrication de plusieurs facteurs des migrations : le facteur économique (volonté de quitter une région dégradée, de trouver un emploi, etc.), le facteur social (recherche d’un meilleur système éducatif et de sécurité sociale, etc.), le facteur environnemental (fuite d’une région sinistrée (inondations, cyclones, tremblements de terre, pluies acides, sols appauvris, etc.) et le facteur politique (insécurité, persécution des minorités, violations des droits de l’homme, conflits armés, etc.). Pour toutes ces raisons, un individu peut être amené à vouloir quitter sa région vers une terre meilleure. Cette façon d’aborder la problématique est raisonnable. L’OSCE a mis ce point à son ordre du jour l’an dernier http://www.osce.org/documents/eea/2009/05/37701_en.pdf

Une nouvelle fois, et après beaucoup de personnes Nea say, rappelle  que le droit international actuel ne protège qu’un seul de ces facteurs de migration couverts par le statut de réfugié tel que défini par la Convention sur les réfugiés de 1951. En effet, selon l’article 1A de cette Convention, doit être considérée comme réfugiée « toute personne qui craint de manière fondée d’être persécutée pour sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social ou à une certaine opinion politique et qui réside en dehors de son pays de nationalité et ne peut, ou en raison de cette crainte ne veut être protégé par ce pays, et ne peut ou ne veut y retourner ». Cette définition stricte n’intègre aucune dimension environnementale, qui est pourtant amenée à prendre une ampleur considérable au vu des dérèglements climatiques à venir.

L’actualité législative européenne est dense en matière d’asile et d’immigration (nouvelle directive sur les conditions de réception des demandeurs d’asile, création d’un bureau européen sur l’asile, communication en cours sur le plan pour les immigrants mineurs non accompagnés, future directive sur le permis unique, sur l’entrée des immigrants saisonniers, etc.). A l’heure du lancement du programme de Stockholm, le moment est venu pour l’UE de combler les lacunes du droit international sur son territoire. En se dotant d’un Commissaire à l’Action climatique, l’Europe confirme que le climat est l’une de ses priorités politiques. Est-il nécessaire de le rappeler ? Elle doit donc impérativement faire le lien entre les deux. La nouvelle direction bicéphale de la politique migratoire intègrera-elle les réfugiés climatiques dans leur programme de travail ? Les deux commissaires, Cecilia Malmström et Viviane Reding n’en ont pas touché le moindre mot dans leur audition. Une impasse totale sur le sujet semble  difficilement imaginable et certainement pas tolérable par le Parlement européen. L’UE ne peut plus se contenter de se mobiliser sur le court terme et de faire face aux catastrophes naturelles liées ou non au climat ce qu’elle fait bien, mieux que quiconque. A cet égard le traité de Lisbonne lui crée des obligations et lui donne des moyens. Il lui faut faire aussi de la prévention partout où cela est possible.

A cet égard est exemplaire à ce jour ce qui a été fait par ECHO pour essayer de palier les effets dévastateur pour l’agriculture des errements du el Nino. Ce n’est qu’un petit exemple. D’autres exemples pourraient être cités, la réactivité de l’UE est bonne, mais cela ne saurait suffire , il lui faut entrer dans une nouvelle dimension :comment gérer les migrations climatiques, si non de masse du moins ayant une certaine ampleur.

Le silence du Programme de Stockholm sur le statut européen de réfugié climatique est-il préoccupant ? Pas de façon absolue, définitive, tant il fait, maintes fois référence à l’asile mais à l’asile tel que défini par le droit international, quelles qu’en soient les limites, et il ne se risque pas à proposer une définition plus ambitieuse et plus proche de la réalité. Il prévoit ainsi : « L’élaboration d’une politique commune en matière d’asile devrait être fondée sur l’application intégrale et globale de la convention de Genève relative au statut des réfugiés ainsi que des autres traités internationaux pertinents ». Nous avons vu que cela ne suffit pas, Le HCR a dénoncé à plusieurs reprises cette approche limitative tout en s’y soumettent malgré lui, mais la porte a été ouverte. Une ambiguïté certes demeure malgré tout mais l’ouverture est bien là si on ne la referme pas par simple inaction ou passivité : le programme de Stockholm invite  la Commission à faire  une analyse sur « les effets du changement climatique sur les migrations internationales, y compris les effets qu’il pourrait avoir sur l’immigration dans l’Union européenne », ce qui devrait au moins permettre de mesurer l’ampleur du phénomène et des liens qui existent entre les migrations et le climat.  Le champ d’application reste limité en raison d’une conscience insuffisante de la part des européens sur l’ampleur planétaire du phénomène migratoire : l’Europe n’est pas le continent le plus affecté par les flux migratoires, l’opinion publique n’en a guère conscience. Il ne faudra pas en rester au stade de la simple analyse  et de la réflexion. C’est au Parlement européen d’imposer son goût pour les mesures concrètes.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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