ACTA : les déclarations rassurantes de la Commission n’ont pas suffit ! Le Parlement européen a eu son débat. La Commission mise sous pression.

Les déclarations de Karel De Gucht diffusées par ZDNnet UK  http://news.zdnet.co.uk/communications/0,1000000085,40057434,00.htm

n’ont pas suffit : il confirmait que la Commission soutient en aucun cas le principe de la « riposte graduée » (three strikes and you are out) pour combattre le téléchargement illégal dans le cadre de l’accord commercial international anti-contrefaçon (ACTA) n’ont pas suffi pour apaiser les critiques et préoccupations du Parlement sur l’opacité des négociations et la possible non-conformité avec les droits fondamentaux. La Commission est accusée de négocier secrètement depuis 2007 avec des pays comme les Etats-Unis, le Japon,, l’Australie, le Canada, la Corée du sud, les Emirats arabes unis, la Jordanie, le Maroc, la Nouvelle-Zélande, Singapour et la Suisse. (Cf. Nea say n° 82 et 83)

Une idée de l’intensité des pressions est donné par la chef de file au Parlement européen concernant Acta, Françoise Castex dans son interview au journal « le Point » http://www.lepoint.fr/actualites-technologie-internet/2010-03-04/anti-contrefacon-acta-on-a-l-impression-d-un-cheval-de-troie/1387/0/430497

. « Nous demandons simplement la transparence, c’est un bras de fer. La Commission ne communique pas avec le Parlement sur l’Acta. On a l’impression d’un cheval de Troie : sous prétexte d’une lutte tout – fait légitime contre la contrefaçon, la Commission veut faire passer autre chose. Ces négociations vont bien au-delà des questions de commerce : si des sanctions sont prévues, le commissaire au commerce outrepasse son mandat. Ce serait une inadmissible prédominance du marché : les sanctions ne doivent pas être négociées par des représentants du marché ! Si les industriels de la culture définissent les sanctions pénales, où va-t-on ? » note la députée qui s’interroge  sur la nécessité et la validité d’un accord en dehors de l’OMC et sans la Chine : « nous sommes dans une négociation défensive qui ne se fait pas avec les pays à l’origine du problème ».

Le débat a été « sanglant », plus, par moment, que ceux consacrés à Swift où l’on croyait pourtant avoir atteint des sommets difficilement à dépasser. La Commission s’est trouvée confrontée à une véritable révolte ! Un débat agité où se sont succédés 25 députés,  malgré leur tardive. C’est à une majorité écrasante que la résolution a été votée : 633 voix contre 13, le Parlement européen a voté. L’enjeu était considérable, plus que l’exigence de transparence, le  10 mars, c’est le pouvoir du Parlement face à une Commission qui protège jalousement ses prérogatives. Mais l’affaiblissement de la Commission trouvera rapidement ses limites : accabler la Commission et l’affaiblir c’est pour le parlement se tirer une balle dans le pied dont seuls les Etats membres tirent profitRécit.

À raison d’interventions de deux minutes, les eurodéputés de tous bords ont accablé le commissaire Karel de Gucht. « Nous ne pouvons pas imaginer de violation plus grave du mandat parlementaire », a asséné l’eurodéputée néerlandaise (non inscrite) Laurence Stassen, soutenue par le socialiste italien Gianluca Susta, qui a rappelé : « Ce Parlement représente 500 millions de citoyens et doit être informé. » Le Vert allemand Helmut Scholz a immédiatement menacé : « Vous devez nous présenter les mêmes documents que ceux qui sont transmis aux États membres, si vous voulez l’accord du Parlement ! » « Vous ne pouvez plus nous ignorer », a renchéri son compatriote Jan Philipp Albrecht (Vert lui aussi). L’argument des clauses de confidentialité  avancé par le commissaire n’a au comme effet que de porter au paroxysme. »Nous négocions cet accord pour améliorer la protection de l’innovation, pour protéger notre économie », a plaidé le commissaire européen au Commerce, Karel de Gucht. « Je comprends que le Parlement ait besoin d’être informé […] mais les clauses de confidentialité que nous avons signées avec les autres parties stipulent que les textes ne peuvent pas être divulgués », a-t-il poursuivi. « Je ne peux pas violer cet engagement de manière unilatérale », a-t-il encore expliqué. Tokia Saïfi, conservatrice française, a immédiatement poursuivi la charge : « Nous disposons de nouveaux pouvoirs que nous voulons voir dès à présent respectés. » Le socialiste britannique David Martin s’est ensuite chargé de répondre aux déclarations rassurantes du commissaire : « Je ne suis pas convaincu que vous ayez saisi tous nos motifs d’inquiétude. » « Vous n’aurez pas notre appui si nous ne pouvons pas voir le projet d’accord », a-t-il encore menacé.

Des fuites qui évoquent des mesures « inacceptables »  et les députés demandent des éclaircissements à leur sujet.Kamall Syed, conservateur britannique, a évoqué des mesures qui seraient incluses dans l’ACTA, selon les fuites : « L’Union européenne va-t-elle soutenir le contrôle aux frontières des baladeurs MP3 et des ordinateurs portables ? » Le démocrate italien Niccolò Rinaldi a estimé qu’on utilisait « la lutte contre la contrefaçon pour mener d’autres batailles ». Nombreux sont ceux qui s’inquiètent, comme lui, des dérives de l’ACTA et de la mise en place d’une surveillance et d’un contrôle accrus de l’Internet européen. « ACTA ne doit pas servir à exporter le modèle français » de lutte contre le piratage, s’est, par exemple, inquiété le conservateur tchèque Edvard Kozusnik, en référence à la riposte graduée de l’Hadopi.

Mais la déclaration la plus acerbe a certainement été celle de l’eurodéputée libérale néerlandaise Sophia in’t Velt qui comme à l’habitude a fait preuve d’une énergie assez exceptionnelle: « Si vingt-sept ministres peuvent donner un mandat secret pour négocier un accord qui traite des droits et libertés fondamentales des citoyens, alors ils ont une conception de la démocratie qui n’est pas la mienne. » Simple et efficace. Très attendu, l’unique eurodéputé du Parti pirate, le suédois Christian Engström, a rappelé à l’exécutif que ce lieu n’était « pas un paillasson, mais un Parlement », sans pour autant apporter d’arguments très constructifs. Le Français Patrick Le Hyaric (gauche unitaire) a, en revanche, vertement sermonné Karel de Gucht, dénonçant « une fable pour petits enfants pour justifier […] un accord international dans le dos des peuples ».

L’ombre de Swift a plané sur l’ACTA  encore que dans le cas de Swift ce sont surtout les Etats membres et le Conseil qui étaient visés, la Commission apparaisant comme un compagnon de route falot et timoré. C’est la socialiste française Catherine Trautmann, ancienne ministre de la Culture, qui a rappelé au bon souvenir de la Commission l’épisode Swift , cet accord recalé par le Parlement au grand dam de l’exécutif, qui devait permettre aux autorités américaines d’accéder aux données bancaires des citoyens européens. « Notre assemblée a déjà fait la preuve de son attachement à ces principes, je n’ai aucun doute sur sa capacité à recommencer », a-t-elle prévenu.

Finalement, plusieurs élus ont exigé l’interruption des négociations tant que les autres parties refusent la transparence. Une requête qui n’a pas plu au commissaire Karel de Gucht. « Un grand nombre d’entre vous n’a visiblement pas écouté ce que j’ai dit », a-t-il rétorqué. « Je ne partage pas l’analyse sur le traité de Lisbonne. (…) Selon l’article 218, le Parlement doit être informé de toutes les étapes de la procédure, et vous l’êtes », a-t-il déclaré, sûr de lui.

Au bout du compte la violence du débat a, peut-être, plus d’importance que le texte de la résolution, même si seul le texte engage et lie les parties.éditations

Tout en encourageant les initiatives visant à protéger les droits de propriété intellectuelle par le biais d’un accord international anti-contrefaçon, les députés insistent pour que le Parlement européen soit tenu au courant des négociations et pour que les droits des citoyens relatifs à la vie privée et à la protection des données soient préservés. Ils s’opposent à la déconnexion d’Internet en trois temps – riposte graduée – qui sanctionnerait trois infractions en ligne aux droits d’auteur. La Commission et le Conseil devraient assurer l’accès des citoyens et des organes parlementaires aux textes de négociation de l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACAC) et les députés devraient être informés immédiatement et pleinement, de leurs initiatives, indique une résolution du Parlement européen adoptée mercredi, par 633 voix pour, contre 13 voix contre et 16 abstentions. Dans le cas contraire, « le Parlement se réserve le droit de prendre les mesures appropriées, y compris d’intenter une action auprès de la Cour de justice afin de défendre ses prérogatives ».

Le Parlement a demandé à la Commission de poursuivre les négociations sur l’ACAC et de les limiter au système d’application des droits de propriété intellectuelle face à la contrefaçon ». L’ACAC, le nouvel accord multilatéral, viserait à renforcer la protection des droits de propriété intellectuelle et à lutter contre la contrefaçon et le piratage des produits tels que les vêtements de marque, la musique et les films. Les parties à la négociation – soit les pays de l’UE et d’autres pays de l’OCDE – ont convenu conjointement d’une clause de confidentialité afin de garder ces négociations secrètes.

Dans sa résolution, le Parlement se dit préoccupé par le manque de transparence dans les négociations et par le fait que le mandat de négociation n’ait pas été soumis à un agrément parlementaire. Les députés rappellent que depuis le 1er décembre 2009, date de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la Commission a l’obligation légale d’informer immédiatement et pleinement le Parlement à toutes les étapes des négociations internationales.

Les dispositions de l’ACAC ne devraient « pas compromettre l’accès à des médicaments légaux, abordables et sûrs à l’échelle mondiale, en particulier aux produits innovants et génériques », précise la résolution. Non à la fouille corporelle, non à la « riposte graduée ». Les députés demandent également de procéder à une évaluation d’impact sur la mise en œuvre de l’ACAC pour ce qui concerne les droits fondamentaux et la protection des données et qu’il ne soit procédé à aucune fouille corporelle aux frontières de l’Union européenne. Le Parlement demande également « que soit clarifiée toute clause qui pourrait permettre des perquisitions sans mandat et la confiscation, par les autorités de surveillance des frontières et les autorités douanières, d’appareils de stockage d’informations, comme les ordinateurs portables, les téléphones portables et les lecteurs MP3 ».

Enfin, les députés souhaitent garantir que l’accord proposé n’offre pas la possibilité d’imposer une procédure de « riposte graduée en trois temps ». Les utilisateurs ne devraient notamment pas être privés de l’accès à Internet à la suite de trois infractions en ligne au droit d’auteur, lorsqu’ils téléchargent de la musique, des films ou tout autre produit intellectuel.

-. Proposition de résolution commune : FR http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+MOTION+P7-RC-2010-0154+0+DOC+XML+V0//FR

EN http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+MOTION+P7-RC-2010-0154+0+DOC+XML+V0//EN

-. Résolution adoptée FR http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+MOTION+P7-RC-2010-0154+0+DOC+XML+V0//EN

EN http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2010-0058+0+DOC+XML+V0//EN

-. Discours de Karel De Gucht http://europa.eu/rapid/searchAction.do;jsessionid=vyv0LYxVVg8JqnwpRyHJSL6yGMvW4NvnJgs1n1P1V7VXBRhNkJPT!-1454438477

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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