Présidence lituanienne du Conseil : une présidence sur tous les fronts ?

Lors de la session plénière du Parlement Européen du 3 juillet, la présidente de la République lituanienne, Dalia Grybauskaité, a présenté le programme de la présidence lituanienne du Conseil, très chargé, surtout sur le plan économique. Il a fallu attendre la réunion de la Commission LIBE du Parlement Européen, le 9 juillet, pour que les ministres lituaniens de l’intérieur et de la justice présentent les dossiers prioritaires concernant la Justice et les affaires intérieures (JAI). Là encore, agenda chargé où tout semble prioritaire.

Les mots d’ordre sont une Europe « crédible, en croissance et ouverte » que la présidente lituanienne, Mme Dalia Grybauskaité, a martelé tout au long de son intervention au Parlement Européen le 3 juillet. Face à une actualité économique et budgétaire chargée, l’agenda de la présidence lituanienne semble presque exclusivement tourné vers ces questions.

En effet, elle a surtout abordé les projets en cours que la Lituanie comptait faire avancer en matière économique et budgétaire à savoir le cadre financier pluriannuel, l’union bancaire, les mesures en faveur de la croissance et de l’économie numérique, le marché intérieur de l’énergie, les partenariats commerciaux, etc… Il faut restaurer la confiance en l’UE, tel est l’objectif. Et cela passera inévitablement par « l’assainissement de l’économie européenne » a-t-elle souligné.

 Cette dimension économique est entendue au sens large. En effet, il semble que la perspective des élections européennes de 2014 ait poussée également la présidence à mettre au rang de ses priorités la citoyenneté européenne : il faut une Europe crédible pour les citoyens afin qu’elle redevienne populaire. Or, si cela passe par plus de droits pour les citoyens, la présidente estime que cela devait passer avant tout par une Europe qui soit en mesure d’assurer une certaine sécurité sociale et de garantir des emplois aux citoyens européens. Là encore, l’économie paraît être au cœur des priorités de la Lituanie.

 Lors de la réunion de la Commission LIBE du Parlement du 9 juillet, les ministres lituaniens de l’intérieur et de la justice ont pu apporter des précisions sur les priorités spécifiques que la présidence lituanienne a définit dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.

Le ministre de l’intérieur lituanien, M. Barakauskas, a tout d’abord mis en avant les dossiers horizontaux que la Lituanie ferait avancer et qui auraient des conséquences importantes pour la justice et les affaires intérieures notamment le cadre financier pluriannuel. De même, le ministre a rappelé que le programme de Stockholm devait toujours être pleinement appliqué, 2014 étant la dernière année de ce programme.

De façon plus précise, il a évoqué une série de textes que son pays souhaitait faire avancer, voir adopter, avec toujours comme mot d’ordre : renforcer la crédibilité de l’Union.

Concernant la protection des frontières extérieures, il a aussi évoqué comme priorité le paquet « frontières intelligentes » et la proposition de règlement sur la gestion de la surveillance des frontières maritimes extérieures.

Egalement, sur la migration, c’est la directive sur l’accueil des chercheurs et étudiants, ressortissants de pays tiers, qui a été évoquée. Elle permettrait selon lui de régler certains problèmes que rencontrent les marchés nationaux du travail.

Autre priorité encore : la sécurité intérieure. Le ministre a listé toute une série de textes prioritaires en la matière à savoir : la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme, Europol, la directive sur le PNR, la question des combattants étrangers, etc…

Enfin, sur la politique étrangère de l’UE touchant à la justice et aux affaires intérieures, le ministre a rappelé l’ambition lituanienne de renforcer la coopération sectorielle avec les pays tiers, particulièrement avec les pays de l’Est de l’UE, et les partenariats stratégiques.

Le ministre de la justice, M. Bernatonis, a complété les informations fournies par M. Barakauskas en présentant les priorités lituaniennes en matière de justice. Actualité oblige, il a assuré vouloir faire avancer le paquet « protection des données » en obtenant des accords sur le maximum de points. Son objectif est d’avoir un équilibre entre protection des droits, impacts économiques et mondialisation. Il sera donc discuté lors du Conseil informel de décembre 2013.

Il a ensuite avancé divers dossiers d’importance : la directive lutte contre la fraude aux intérêts financiers de l’Union, le parquet européen, la réforme d’Eurojust, la directive sur la protection de l’euro, la directive sur le gel et la confiscation des avoirs criminels ou encore le mandat d’avis d’enquête européen.

Ainsi, de nombreux défis se présentent à la Lituanie, du point de vue économique certes, mais aussi dans d’autres domaines. Et les attentes dans les milieux institutionnels européens sont grandes.

Au cours d’une conférence de présentation de la présidence lituanienne, organisée par le Centre for European Studies le 18 juin, M. Pranckevicius, conseiller du Président du Parlement Européen Martin Schulz, avait rappelé les espoirs que nourrissait cette nouvelle présidence, première présidence d’une ancienne République de l’URSS, concernant les relations de l’UE avec les pays de l’Est tels que l’Ukraine ou la Géorgie.

M. Karoblis, ambassadeur de la Lituanie auprès de l’Union, chargé de présenter le programme de la présidence, avait en effet fait part du fait que celle-ci s’attachera à faire progresser les relations de l’UE avec ses voisins de l’Est, notamment l’Ukraine et la Russie, et les futurs partenariats qui pourraient les lier. M. Karoblis en avait même fait une des trois « top priorities » de la future présidence. Il avait également souhaité rappeler l’importance des candidatures turques et serbes, à l’entrée dans l’Union, qui ne devraient pas être mises de côté.

Dans un autre registre, toujours lors de cette conférence, Mme Morkūnaitė-Mikulėnienė, députée européenne (PPE), avait évoqué de nouveau la nécessité de mettre en avant des mesures pour développer la conscience européenne chez les citoyens alors que beaucoup pointent déjà le risque de voir une montée importante des extrêmes dans les prochaines élections européennes. L’Europe certes doit relever les défis économiques et budgétaires pour répondre aux besoins de ses citoyens, mais elle doit aussi être en mesure de pouvoir répondre à leurs inquiétudes et montrer qu’elle agit.

De très fortes attentes que l’on retrouve bien entendu vis-à-vis de la justice et des affaires intérieures. En effet, lors de la réunion de la Commission LIBE du 9 juillet, les parlementaires ont été nombreux à intervenir pour s’assurer que la présidence prenne bien en compte les priorités qui sont celles de ce secteur.

Ainsi, plusieurs députés, dont Mme Flautre (Verts), Mme Romero Lopez (S&D) ou encore Mme Corazza Bildt (PPE), ont demandé aux ministres lituaniens d’accentuer leur action sur la protection des données ainsi que sur le dossier PNR et le scandale PRISM, afin de protéger au mieux les citoyens européens.

De même, sur la question de la gestion des frontières extérieures de l’UE, M. Enciu (S&D) a rappelé le problème de financement qui se pose, notamment pour le futur paquet « frontières intelligentes ». Egalement, la question de l’ouverture de Schengen à la Roumanie et la Bulgarie a été posée par Mme Weber (ALDE). Sur ce point, M. Barakauskas s’est engagé à faire de son mieux pour lever les réticences de certains Etats membres.

Enfin, par rapport à la fusion Europol/CEPOL, Mme Matthieu (PPE) ainsi que d’autres parlementaires ont rappelé à la présidence leur opposition, en espérant qu’elle soit prise en compte.

La présidence lituanienne a ainsi avancé un agenda très ambitieux, nourrissant les espoirs de tout bord. Or, elle risque aussi de ne pouvoir le respecter et, de facto, de devoir reporter toute une série de dossiers après les élections européennes.

Gageons que cela n’impacte pas de façon trop lourde les textes liés à la justice et aux affaires intérieures, textes d’importance capitale pour les citoyens européens qui seront amenés à voter en 2014.

  

Jérôme Gerbaud

 

 

En savoir plus :

  –          Article d’Euractiv du 25 avril 2013 : « La Lituanie se prépare à la présidence tournante de l’UE »

(FR) http://www.euractiv.com/fr/priorites/la-lituanie-se-prepare-la-presid-news-519349

 –            Programme et priorités de la présidence lituanienne

(FR) http://www.eu2013.lt/fr/la-presidence-et-lue/le-programme-et-les-priorites (EN) http://www.eu2013.lt/en/presidency-and-eu/programme-and-priorities

 –            Discours de Mme Dalia Grybauskaité, Présidente de la République de Lituanie, au Parlement Européen le 3 juillet 2013-07-12

(FR) http://www.eu2013.lt/fr/news/discours/discours-de-la-presidente-de-la-republique-de-lituanie-au-parlement-europeen(EN) http://www.eu2013.lt/en/news/speeches/speech-by-president-dalia-grybauskaite-at-the-european-parliament

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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