Précurseurs de drogues : le rapport Proust accélère l’action de la Commission

 A chaque hiver, des vagues de grippe secouent la population mondiale. Pour nous soigner chaque année des milliers de cargaisons de médicaments transitent en Europe, allant ravitailler les pharmacies d’une bonne partie de la planète. Le commerce des médicaments est un fait crucial pour la santé mondiale. Sauf exceptions : quelques unes de ces cargaisons ne s’arrêteront pas devant les portes d’une pharmacie, mais poursuivront cette année encore leur chemin, jusqu’à des endroits perdus, en Amérique du Nord, en Asie, en Europe. Là, dans les laboratoires artisanaux de chimistes bricoleurs, ces mêmes médicaments deviendront de la drogue. Face à ce véritable marché de mort, la Commission a proposé une révision du droit existant. Si le but a été loué par les eurodéputés, le rapport Proust a apporté des modifications quant aux aspects techniques en vue d’accélérer le contre attaque de l’Union.

 La reconversion de médicaments en drogues n’est pas un phénomène nouveau : un règlement européen existe déjà pour contrer cette pratique. Pourtant, la loi doit s’adapter aux changements de ce marché mortifère. C’est pourquoi la Commission a proposé une révision du règlement, incluant aussi l’éphédrine et la pseudoéphédrine, des éléments essentiels dans les médicaments contre les symptômes grippaux, mais aussi des précurseurs de la métamphétamine.

 Selon les données présentées par la Commission dans sa proposition, le marché des amphétamines est en plein essor, près de 7.400 saisies ayant été effectuées en Europe en 2009. En toute cohérence avec la politique commerciale commune, dont l’Union détient la compétence exclusive, la Commission s’attaque au détournement des précurseurs de drogues exportées à partir de ou transitant par l’UE. A présent, l’éphédrine et la pseudoéphédrine ne font l’objet de contrôles que si elles sont échangées au stade élémentaire : en d’autres termes, aucun contrôle n’est effectué lorsqu’elles sont contenues dans des médicaments, la seule obligation étant une bien risible notification aux autorités compétentes.

 Selon  le règlement en vigueur, les précurseurs de drogues faisant l’objet de contrôles sont classifiés en trois catégories en fonction de leur sensibilité en matière de détournement. Ainsi, les substances incluses dans la catégorie 1 sont soumises à des contrôles importants quant à l’exportation, l’importation et le transit, alors que celles dans la catégorie 3 ne sont contrôlées que dans le cas d’exportations vers les pays tiers considérés comme à risque. Vu que les médicaments sont exclus du champ d’application de ce règlement, les substances y présentes telles que l’éphédrine et la pseudoéphédrine échappent aujourd’hui à tout contrôle.

Au lieu de les inclure dans l’une des catégories existantes, la Commission a estimé devoir créer un nouveau régime pour ces médicaments qui contiennent de l’éphédrine ou de la pseudoéphédrine, qui seraient soumis à une notification préalable à l’exportation. La commission parlementaire INTA (Commerce international) saisi au fond du dossier, tout en louant le but de l’action de la Commission, en a critiqué la forme choisie. L’introduction d’un nouveau régime spécial, a déclaré le rapporteur Franck Proust (PPE) lors du débat en séance plénière le 21 octobre dernier, ce qui  requerrait le recours à la co-décision, entraînant des retards intenables face aux développements rapides des marchés de la drogue. Plutôt, a relancé M. Proust, il vaudrais mieux introduire une nouvelle catégorie pour les médicaments en question, à gérer par le biais d’actes délégués à la Commission. Cette solution permettrait à l’Union de répondre promptement à ce défi : en fonction des mutations de l’offre, la Commission européenne serait ainsi habilitée à adapter sa législation en la matière tout simplement en rajoutant les nouvelles substances à risque par un acte délégué. Par ailleurs, a précisé M. Proust, cette procédure accélérée ne viserait que le rajout de substances et non leur effacement de la liste.

 A l’issue d’un débat très consensuel, la votation sur le rapport a été sans surprise positive. La balle passe maintenant dans les mains du Conseil, qui devra clôturer la phase de première lecture.

 Gianluca Cesaro

 Pour en savoir plus :

 –                  Enregistrement du débat en plénière – 21/10/2013 – http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/plenary/video?debate=1382379680759

 

–                  Proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 111/2005 du Conseil fixant des règles pour la surveillance du commerce des précurseurs des drogues entre la Communauté et les pays tiers – 27/09/2012 – (EN) –   http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2012:0521:FIN:EN:PDF – (FR)  – http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2012:0521:FIN:FR:PDF

 –                  Rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 111/2005 du Conseil fixant des règles pour la surveillance du commerce des précurseurs des drogues entre la Communauté et les pays tiers – 06/05/2013 – (EN) – http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+REPORT+A7-2013-0167+0+DOC+PDF+V0//EN

          – (FR) – http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+REPORT+A7-2013-0167+0+DOC+PDF+V0//FR

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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