Conférence de Varsovie : le vent a-t-il tourné dans le bon sens ?

En ce mois de novembre  avait lieu la 19ème conférence-cadre de l’UNFCCC sur le changement climatique à Varsovie. De façon habituelle, on pouvait autant espérer de grands accords et autant redouter un simple hochement de tête sur le plus petit commun dénominateur.  Avec les rapports de plus en plus critiques sur l’évolution du climat, qu’en est-il de la discussion sur un éventuel statut de réfugié climatique ?

 Il y a de cela quelques semaines, une personne prénommée A.F. a bien failli devenir le premier être humain considéré comme réfugié climatique : cet habitant de l’île de Kiribati avait dû fuir son foyer suite aux nombreuses attaques de la nature, une nature. En proie à des inondations, des problèmes sanitaires entre autres, cet homme a fui vers la Nouvelle-Zélande où par deux fois, il demanda un statut de réfugié. Seulement, le pays d’accueil a à chaque fois refusé pour motif insuffisant. En fait, un problème de nature juridique se pose : telle qu’elle est écrite aujourd’hui, la Convention de Genève, d’où est issue la définition de réfugié, n’octroie qu’une protection internationale si et seulement si la personne en question craint des persécutions du fait de sa race, religion, opinion politique, nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social. Il n’est nullement mention de « causes environnementales ». Si le droit européen va plus loin en consacrant deux autres types de protection plus conjoncturelles et adaptées à des flux massifs (les protections temporaires et subsidiaires, voir à ce sujet notre dossier Thema N°2), aucune directive ou règlement ne consacre aujourd’hui cette problématique.

 Qu’en est-il donc de la Conférence de Varsovie et des avancées ont-elles été faites en ce sens ? Si l’on s’en tient aux paroles de Marcin Korolec, le Président de la conférence, on retiendra que Varsovie a permis d’ouvrir la voie et un plan de travail pour la prochaine conférence au Pérou. Ainsi, les Etats ont décidé d’intensifier leurs efforts pour arriver aux objectifs de 2020 et de clarifier les processus de mobilisation de fonds pour aider les pays en voie de développement. 48 de ces derniers ont d’ailleurs élaboré des plans d’adaptations afin de mieux faire face aux changements climatiques qualifiés d’inévitables. Aussi, un ensemble de décisions a été pris pour encourager et aider les pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre causés par la déforestation.

Concernant la situation des personnes face aux évènements climatiques, la conférence a créé un mécanisme international pour la perte et le dommage associé à l’impact du changement climatique (« Warsaw international mechanism for loss and damage associated with climate change impacts »). Dans le cadre de catastrophes extrêmes et de situations où les personnes se retrouveraient vulnérables, ce mécanisme viendrait aider et aller plus loin que le volet de l’adaptation pure et simple au changement climatique. On se situe donc ici plus dans un mécanisme d’urgence. Les travaux détaillés quant à sa mise en œuvre devraient commencer l’année prochaine. Enfin, on remarquera que si Ban-Ki Moon a encouragé les parties à venir au prochain sommet climatique avec des propositions concrètes et audacieuses, tout le monde n’est pas aussi enthousiaste. En effet, presque toutes les ONG dont Greenpeace et Oxfam ont décidé de quitter la conférence l’avant-dernier jour. Les ONG ont donc quitté en masse l’évènement et préféré se recentrer sur les canaux nationaux afin d’exercer un lobby sans doute plus efficace.

 Deux avancées sont notables à Varsovie : un accord motivé par les européens sur la recapitalisation du Fonds d’adaptation au changement climatique (à hauteur de 100 milliards) et l’établissement d’une feuille de route pour la conférence de Paris en 2015. En effet, c’est cette année-là que devront être signés les premiers accords mondiaux de réduction des gaz à effet de serre, applicables à tous les pays. A ce sujet, les Etats industrialisés ont creusé un fossé encore plus grand avec les Etats les moins développés. Les premiers sont pressés de partager un fardeau jusqu’ici porté selon une règle de proportionnalité, alors que les seconds ne sont pas prêts à faire oublier aux Etats industriels le poids historique de leurs émissions en CO2 (on notera qu’aujourd’hui, la Chine est responsable de 27% des émissions, les USA 14% et 10% pour l’Union Européenne, alors que le continent africain en entier n’est responsable que de la moitié de la part du Vieux continent). Si existera toujours  la responsabilité commune et différenciée, le poids sera cependant plus lourd pour les Etats les plus pauvres à partir de 2015.

 La conférence-cadre de Varsovie n’a donc pas du tout avancé sur un possible statut du réfugié climatique. Pour quelles raisons ? Plusieurs raisons peuvent être présentées comme autant d’explication : la conférence est traditionnellement fort axée sur le changement climatique et les réponses structurelles y afférent. Par conséquent une discussion sur un nouveau statut juridique international n’y aurait pas sa place. Secundo, peut-être les parties n’ont-elles tout simplement pas envie d’en discuter, de peur d’ouvrir un nouveau champ migratoire beaucoup trop important et, on peut l’imaginer, difficile à gérer. Cela dit, au vu des catastrophes naturelles de plus en plus régulières, de sérieuses questions peuvent être posées quant à l’ignorance, voulue ou non, des parties à ces conférences internationales. Le fait d’embrasser la politique de l’ « immigration climatique » uniquement via des politiques d’adaptation et de réponses d’urgence est certes le premier pas à prendre, mais on peut être quasi certain que des milliers de personnes déménageront ailleurs dans le monde afin de trouver un foyer sûr. Il est par conséquent urgent que les Etats commencent à traiter  cette politique de façon plus intégrée.  Le climat de négociations est à la coopération et à l’encouragement sur papier plutôt qu’à l’innovation et au face-à-face avec la réalité. Il y a quelques, la sensibilité moyenne à l’égard du réfugié climatique était plus grande. Et pendant ce temps-là, le vent tourne…

 

Thibault Janmart

 

Pour en savoir plus :

       –    Les documents de la Conférence de Varsovie :  (EN) “PRESS RELEASE : UN Climate Change Conference in Warsaw keeps governments on a track towards 2015 climate agreement”: http://unfccc.int/files/press/news_room/press_releases_and_advisories/application/pdf/131123_pr_closing_cop19.pdf

 ·           (EN) “Decision -/CP.19: Warsaw international mechanism for loss and damage associated with climate change impacts”: http://unfccc.int/files/meetings/warsaw_nov_2013/decisions/application/pdf/cop19_lossanddamage.pdf

 –                  Sur l’évolution du climat et de son impact, voir site du GIEC : (FR) http://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml

 –                  La Libre – « Un réfugié climatique entre deux feux » : http://www.lalibre.be/actu/planete/un-refugie-climatique-entre-deux-feux-524ce6de3570bed7dba3279f

       –    EU-Logos – Dossier Thema N°2 sur la politique européenne d’asile :  http://eu-logos.org/eu-logos_dossier.php?idr=6&idnl=2979&nea=138&lang=fra&arch=0&term=0

–                  Le Monde – « Exaspérées, les ONG claquent la porte de la conférence de Varsovie sur le climat » : http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/11/22/exasperees-les-ong-claquent-la-porte-de-la-conference-de-varsovie-sur-le-climat_3518652_3244.html

 –                  Le Monde – « Climat : l’avertissement des pays en développement » : http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/11/27/climat-l-avertissement-des-pays-en-developpement_3521405_3232.html

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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