La commission LIBE a écouté attentivement le commissaire désigné à l’immigration et aux affaires intérieurs, Dimitris Avramopoulos, ancien diplomate Grecque et maire d’Athènes, qui a été évalué le 30 septembre dernier.

La commission LIBE a écouté attentivement le commissaire désigné à l’immigration et aux affaires intérieurs, Dimitris Avramopoulos, ancien diplomate Grecque et maire d’Athènes, qui a été évalué le 30 septembre dernier.

ByyI1-MCcAAJPq9Si les réponses au questionnaire écrit avaient suscité des perplexités chez ceux qui les avaient jugées vagues et générales, lors de l’interrogation orale, cependant le commissaire désigné semble avoir réussi son examen avec succès, démontrant une préparation adéquate.

Dès le début, Avramopoulos a démontré une personnalité très politique, en accord avec l’esprit de la nouvelle Commission Juncker. En effet, son engagement repose sur les grandes valeurs de l’Union Européenne, notamment sur la Charte des Droits Fondamentaux. Leur respect sera le caractère essentiel de toute action prise dans les domaines de sa compétence, du contrôle aux frontières à la sécurité intérieure, en particulier en ce qui concerne la collecte des données et la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Afin de mieux atteindre cet objectif, il annonce son intention de travailler en étroite collaboration avec M. Timmermans, Commissaire désigné à la ‘Better Regulation, Inter-Institutional Relations, Rule of Law and Charter of Fundamental Rights – First Vice-President of the Commission’.

D’autres grands principes au cœur de la construction européenne, comme la démocratie et la transparence, ont été rappelés par Dimitris Avramopoulos, qui, évoquant les pères fondateurs ainsi que son adhésion dans sa jeunesse au mouvement fédéral européen, a dévoilé un profil pro-européen sincère. Une arme qu’il a utilisé notamment contre les critiques qui lui ont été adressées par les MEPs d’extrême droite et les plus eurosceptiques.

D’ailleurs il a insisté beaucoup sur la nécessité de plus de coopération entre les états membres et davantage de solidarité : ‘si nous n’avançons pas ensemble, nous ne bougerons pas’, a-t-il affirmé. Une collaboration qui devra concerner aussi bien l’action des états l’action européenne : il assure que, si confirmé, il sera prêt à travailler de concert avec les autres commissaires, notamment M. Timmermans, comme déjà annoncé, et Mme. Jourová, chargée du portefeuille ‘Justice, Consumers and Gender Equality’, ainsi qu’avec la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme. Mogherini, en particulier en ce qui concerne la dimension extérieure de son portefeuille. De surcroît, Avramopoulos s’est adressé directement à la commission LIBE, en tant qu’interlocuteur privilégié dans les relations avec le Parlement Européen, qu’il promet de consolider grâce aussi à un constant dialogue ouvert et transparent avec les députés de LIBE.

Sur le contenu, Avramopoulos a présenté une mission très ambitieuse et une position ferme sur des aspects clés de la politique d’asile, de la migration et des frontières, ainsi que sur la sécurité intérieure de l’Union.

Lutte contre l’immigration illégale : ‘L’Europe Forteresse n’est pas la solution’.

Au député Kirkhope qui s’inquiétait de l’islamisme et des combattants étrangers, il a répondu que l’Europe n’est pas une forteresse et l’UE prendra des initiatives. Dimitris Avramopoulos a été clair : ‘Schengen est un de plus gros succès de l’Union Européenne’, affirme-t-il, il s’engage, donc, à assurer le strict suivi de sa correcte implémentation par les états et d’en informer régulièrement le Parlement. D’ailleurs, il manifeste son désaccord à toute limitation de Schengen. Il promet de le défendre à tout prix et exprime sa faveur à l’entrée de la Roumanie et Bulgarie, mais il appartient au Conseil de prendre ladite décision.

De plus, il exprime un avis positif à l’égard des nouvelles technologies : les techniques numériques seront un outil avantageux pour le contrôle des frontières externes. Si confirmé, il poursuivra le programme pilote frontière intelligentes, s’inspirant du succès du mécanisme SIS, qui comprend aussi le dossier PNR, très contesté par le Parlement. Conscient de cette opposition, il rassure la commission : il faut un système moderne qui respecte pleinement les droits fondamentaux et le principe de proportionnalité. D’ailleurs, il garantit que toute nouvelle proposition sera le résultat du débat inclusif entre tous les partenaires concernés.

Plusieurs questions ont portées sur Frontex, en premier lieu de la part de la coordinatrice PPE Mme. Metsola. Le commissaire désigné a assuré qu’il s’engagera dans le renforcement financier de l’agence ; en même temps il envisage de lancer une étude afin de mettre en place une coopération plus étroite, notamment en vue de la création d’un Corps Européen de Gardes-Frontières. Toutefois, à ceux qui lui demandent du sauvetage de vies en mer, il rappelle qu’il ne relève pas de la compétence de l’agence Frontex, mais de celle des états membres qui devront participer et développer une approche uniforme. Il reste, néanmoins, positif : si élu, il tiendra compte d’un renforcement substantiel de Frontex, dans une perspective à long-terme, qui pourrait comprendre une collaboration plus étroite en partenariat avec les états membres, ainsi que l’intégration dans les dispositifs d’‘une mission de sauvetage. Toutefois il s’agit d’un avenir très loin, comme les députés savent bien ; en effet, Avramopoulos lui-même, reste évasif et avoue : ‘je ne connais pas l’avenir’.

En accord avec la position de nombreux députés, la traite des êtres humains est une nouvelle forme de criminalité, une ‘industrie, qui agit au sud mais qui s’élargit à l’est’, déclare Avramopoulos, démontrant une fois de plus sa préparation complète dans les matières qui lui sont attribuées. Cependant, il admet être satisfait du contenu de la directive qui règle la problématique : ‘elle va dans le bon sens’ ; toutefois, il reconnait aussi les lacunes rencontrées, notamment dans sa mise en œuvre de la part des états. Il confirme, donc, son engagement futur en vue d’une harmonisation des différentes politiques nationales, ainsi qu’un suivi attentif de la correcte application des normes européennes.

‘Le Common European Asylum System est l’élément essentiel, à caractère horizontale, de la politique d’asile européenne’.

Malgré l’esprit positif de cette affirmation, soulevée par la députée EPP Mme. Metsola, la Commission ne peut pas négliger le manque de solidarité entre les Etats membres, ainsi que la disproportion dans les responsabilités, principalement à cause des dysfonctionnements du règlement Dublin. Pour autant, même si récemment modifié, les députés ont demandé, à plusieurs reprises, si le commissaire désigné envisage la création d’un système plus équitable de partage des demandes d’asile à examiner. Pour toute réponse, Avramopoulos qui est revenu souvent sur ce point lors de son audition, a indiqué il faudra, tout d’abord, vérifier de manière stricte la correcte application des engagements des états et rédiger une étude approfondie sur les modifications souhaitables.

Au cours de l’audition, le Commissaire, a suggéré des propositions intéressantes et innovatrices, bien au-delà des déclarations faites jusqu’ici, ce qui a fait surgir des doutes parmi certains députés LIBE, quant à leur faisabilité. Notamment, il soutiendra le renforcement du mécanisme de réinstallation des réfugiés, encourageant l’entrée humanitaire. Mais ce qui a étonné le plus son public, c’est la déclaration d’établissement d’un bureau de conseillers en migration, auprès des délégations de l’Union Européenne dans les pays tiers. Il serait compétent pour l’examen des demandes d’asile, qui lui seront présentées sur place, ce qui permettrait au demandeur de choisir le pays où ils souhaitent s’installer, et son entrée ainsi protégée. Cependant, la portée explosive de cette affirmation a dû être redimensionnée, à cause de la nécessité du soutien d’autres commissaires, en premier lieu de Mme. Mogherini, mais surtout du Conseil, et donc des états.

De plus, Avramopoulos, revient sur le règlement Dublin et confirme, ici encore, l’importance du respect des droits fondamentaux ainsi que des engagements internationales, notamment du principe de non refoulement. De plus il se démontre personnellement engagé à l’égard des mineurs non accompagnés, déclarant qu’il tiendra surement compte des recommandations du Parlement Européen sur le sujet. Le dossier est débattu actuellement au sein de la Commission notamment lors de sa dernière réunion (à voir pour en savoir plus).

‘L’immigration légale est le meilleur instrument de lutte contre l’immigration illégale’.

Le commissaire désigné relève la nécessité d’une clarification des règles d’immigration légale, ainsi qu’une plus grande planification. Par conséquence, Avramopoulos, s’engage à combler les lacunes de la Directive Carte Bleue Européenne afin de garantir l’attraction des talents des pays tiers, priorité qui lui avait été indiquée par Juncker même. Parmi les critiques, il souligne que les migrants qui arrivent légalement dans l’Union, la considèrent comme une entité unique et, donc, ils pensent pouvoir circuler librement à l’intérieur de son territoire. De même, l’année 2015 sera l’horizon pour les négociations avec le Conseil sur les directives ‘chercheurs’ et ‘étudiants’ : elles devront se clôturer l’an prochain, prévoit-il.

Cependant, les députés LIBE, comme Mme Sargentini (Verts) et Mme Kyenge (S&D), relèvent la nécessité de mesures qui règlent d’autres secteurs du marché du travail, notamment ceux qui relèvent des emplois peu qualifiés. Face à leurs requêtes Avramopoulos se dit disponible à évaluer les besoins du marché européen et ceux de chaque état membre, dans le cadre d’une plateforme européenne de dialogue, ouvert et transparent, avec toutes les parties prenantes. D’ailleurs, il y a, à son avis, des politiques existantes dont l’Union pourra s’inspirer, comme celle du Canada et d’Australie ; toutefois, il faudra, tout d’abord, commencer par des progrès rapides, en appliquant effectivement les mesures existantes.

Malgré toute sa bonne volonté, l’art. 79 §5 TFUE, nous rappelle que c’est ‘s États membres de fixer les volumes d’entrée des ressortissants de pays tiers, en provenance de pays tiers, sur leur territoire dans le but d’y rechercher un emploi salarié ou non salarié’.

Dimension externe de la politique d’asile et migration

Une petite remarque mérite d’être faite à propos de la dimension extérieure de la politique d’immigration et asile. Malgré, selon ce qu’affirment les lignes directrices du Conseil Européen, elle semble être un des piliers de l’action de l’Union dans ce domaine, seulement deux députés ont soulevé la question. Notamment Mme Dati (PPE) a demandé comment le Commissaire désigné saurait garantir la bonne application des partenariats pour la mobilité ainsi que des accords de réadmission.

Pour toute réponse, Avramopoulos exprime sa position : les pays en voie de développement sont en première ligne et il convient de soutenir les pays du départ et du transit des migrants. Il promet de faire des efforts afin de responsabiliser les pays tiers concernés, en coopération avec la Commissaire aux affaires étrangères, Mme. Mogherini. Actuellement des gros nuages sont à l’horizon et il n’y aurait pas la possibilité d’établir des mécanismes de sanction ; de surcroît, rapportant à sa récente expérience en Libye, il considère comme extrêmement difficile d’établir des accords avec certains pays, à cause de l’absence d’interlocuteurs crédibles.

‘Ceux qui frappent à la porte de l’Union ne sont pas des terroristes mais des êtres humains qui demandent à l’Europe de faire preuve de solidarité’.

La lutte contre le terrorisme est un point fort à l’actualité, notamment à cause des « combattants étrangers »extrémistes ; toutefois Il faut donc mettre toujours en avant le respect des droits fondamentaux, ainsi que donner une réponse politique sur la base des principes juridiques. De plus, il a accueilli la proposition de M. Michel (ALDE) concernant une étude des pratiques des Etats membres afin de connaître les systèmes nationaux et développer les échanges d’informations ; à ce propos, Europol est déjà en plein travail pour identifier et cibler les sujets qui constituent un danger pour la sécurité de l’Union.

L’arrêt l de la CJUE a été clair et nous devons nous y tenir. La nouvelle proposition sur la conservation des données devra s’inspirer de cet arrêt.

Dimitris Avramopoulos confirme les engagements pris par écrit. Néanmoins les membres de LIBE, Birgit Sippel (S&D) et Jan Philipp Albrecht (Verts), soulignent l’impact de l’arrêt sur la directive collecte des données sur d’autres questions en débat, comme les collectes massives des données bancaires et celles des passagers. En revanche, le commissaire désigné préannonce qu’il promouvra une approche holistique, tout en respectant les droits fondamentaux et le principe de proportionnalité.

Dimitris Avramopoulos a su convaincre la commission LIBE également sur d’autres questions sécuritaires : la lutte contre la cybercriminalité, le blanchiment d’argent, ainsi que contre la corruption et la criminalité organisée. Selon ses déclaration officielles, il est prêt à intervenir en concert avec ses collègues de la Commission ; finalement il assure : ‘nous avons des idées et l’intention d’agir’.

Il envisage un avenir prometteur, qui toutefois reste largement indéfini dans les détails. En témoigne la réponse très vague d’Avramopoulos, à la question posée par la députée Eva Joly (Verts) à propos des complicités entre les Etats membres et la CIA américaine ( voir pour en savoir plus). Comme il a été rappelé lors de l’audition, la CEDH a reconnu et dénoncé l’implication d’au moins neuf états dans l’affaire, la Pologne en premier lieu ; d’ailleurs il s’agit d’un dossier que le Parlement suit depuis des années, sans aucun succès. Donc, ‘Comment mettre fin à l’impunité ? Quelle suite donner au travail du Parlement ? Et comment renforcer les enquêtes indépendantes ?’, demande-t-elle au Commissaire désigné qui, par contre, admet : ‘je ne connais pas le rapport sur la CIA en détail’, laissant ainsi un vide sur le sujet.

La commission LIBE, sera-t-elle autant satisfaite de l’échange qualifié par Dimitris Avramopoulos comme ‘constructif et intéressant’? Les déclarations faites par son président Claude Moraes, lors de la conférence de presse à la sortie de l’audition, semblent donner une répose positive. Mais Avramopoulos, aura-t-il convaincu l’ensemble des députés ?

Dimitris Avramopoulos a démontré sa bonne préparation et une forte disponibilité à réaliser la plupart des demandes des parlementaires LIBE. C’est sûr, il a été cohérent avec les intentions de Juncker ainsi qu’avec les lignes directrices du Conseil Européen, qui annonçaient une nouvelle phase d’évaluation, de consolidation et de mise en œuvre des instruments législatifs et des politiques existantes. Mais, d’autre part, son attitude positive a parfois dépassé les moyens concrets dont il dispose assurer le respect des engagements annoncés. Les propos du Commissaire désigné ont, donc, soulevé certaines méfiances parmi les eurodéputés. A la lumière de l’ensemble des déclarations, saura-t-il dégager des projets concrets à la mesure des grands objectifs qu’il s’est engagé à respecter? Seulement l’avenir nous le dira.

(Elena Sbarai)

Pour en savoir plus :

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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