(Mise à Jour) Union européenne et peine de mort : elle vient de rappeler à l’ordre les Etats-Unis et le Belarus, l’un et l’autre mis dans le même sac. Dans l’Utah on fusille les condamnés à mort !

Le Pape François vient, le 23 mars, de condamner la peine de mort comme inappropriée, quelle que soit la gravité du crime. L’UE ne manque aucune occasion pour rappeler de façon inlassable et à chaque occasion son hostilité à la peine de mort. Elle vient de le faire pour le Belarus et les Etats-Unis. De même à la fin de l’année passée elle avait salué le vote par l’Assemblée générale des Nations Unies d’un moratoire sur l’utilisation de la peine de mort.

 La Haute Représentante Federica Mogherini a salué le 18 décembre le vote par l’Assemblée générale des Nations Unies la résolution en faveur du moratoire sur l’utilisation de la peine de mort. Elle considère que cette adoption « est un grand succès encourageant pour la cause abolitionniste dans le monde entier (…) Le nombre record de 117 votes en faveur montre clairement qu’il y a de plus en plus un consensus au sein de la Communauté internationale, 38 pays ont voté contre et 34 se sont abstenus. En décembre 2012 lors du dernier vote sur ce même sujet, 111 pays avaient voté pour, , 41 contre et 34 s’étaient abstenus. La lente et inexorable érosion du nombre des partisans de la peine de mort se poursuit. Mme Mogherini a expliqué que l’UE avec tous ses partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux ne « ménagerait aucun effort » et continuerait ses efforts pour lutter en faveur de l’abolition de « cette forme cruelle de punition ». C’est la cinquième résolution pour un moratoire sur la peine de mort qui est adoptée depuis 2007.

Le 19 mars elle a demandé que le droit d’appel de Siarhei Ivanou, condamné à mort le 18 mars Par le Tribunal régional de Gomel au Belarus soit « pleinement garanti ». M. Ivanou, 21ans aété condamné pour le viol et le meurtre d’une jeune femme de 19 ans en 2013. « Nous sommes conscients de la gravité des crimes pour les quels M. Ivanou a été reconnu coupable (…). Néanmoins l’UE s’oppose à la peine de mort dans tous les cas, une peine ne peut être justifiée en aucune circonstance a rappelé le porte-parole de la Haute représentante. L’UE a aussi rappelé que le Belarus est le seul pays d’Europe à appliquer la peine de mort, il ‘appelle à se joindre à un moratoire mondial sur la peine de mort comme une première étape vers son abolition universelle.

Le 2 février 183 condamnations contre les Frères musulmans ont été prononcés par un tribunal égyptien, quelques jours plus tard c’était le tout de Mohammed Badie, chef des frères musulmans et de 13 autres cadres, le Pakistan récemment en 2015 a multiplié les exécutions capitales s’attirant naturellement les protestations de l’UE.

Les Etats-Unis sont assez régulièrement placés dans le collimateur : pour la deuxième fois en quelques semaines c’est l’exécution de déficients mentaux qui sont visés. Le dernier en date remonte au 18 mars. La porte-parole de la Haute Représentante, Federica Mogherini a rappelé que les exécutions des personnes ayant une déficience mentale « sont contraires au droit international en matière de droits se l’homme » alors que l’Etat américain du Missouri avait exécuté la veille Cecil Clayton, »malgré indiquant que ses capacités mentales ont été sérieusement endommagées ». Condamné à mort pour le meurtre d’un policier, Cecil Clayton, 74 ans, a subi en 1972 l’ablation du lobe frontal à la suite d’un accident. Il était depuis sujet à des troubles mentaux. Cette exécution fait suite à plusieurs exécutions de personnes ayant une déficience mentale. »La peine de mort est cruelle, inhumaine et irréversible et ne sert pas un but dissuasif. L’UE estime que son abolition est essentielle pour protéger la dignité humaine et pour le développement progressif des droits de l’homme » a ajouté la porte-parole.

Dernière affaire en date et la plus récente, celle de l’Utah, affaire choquante au point d’être rapportée par toute la presse internationale. Le 23 Mars l’Utah a rétabli l’exécution de condamnés à mort par un peloton d’exécution, restaurant ainsi de vieilles méthodes .La législation, qui avait déjà été adoptée par le Sénat de cet Etat du Sud-Ouest américain quelques jours auparavant, autorise le recours à un peloton d’exécution pour mettre à mort un condamné si les substances servant à réaliser les injections létales habituelles ne sont pas disponibles, comme cela fut le cas récemment dans un certain nombre d’Etats du pays, les européens refusant de livrer les produits en question. Les critiques du projet de loi l’ont qualifié de barbare, mais un porte-parole du gouverneur Gary Herbert estime que « ceux qui s’opposent à ce projet de loi s’opposent principalement à la peine de mort ». « Nous regrettons que quiconque ayant commis un meurtre aggravé […] mérite la peine de mort et nous préférons utiliser comme méthode les injections létales quand une telle sentence est émise, a expliqué le porte-parole, Marty Carpenter. Toutefois, quand un jury prend cette décision et qu’un juge signe un mandat d’exécution, appliquer une décision légale est l’obligation de l’exécutif », a-t-il poursuivi.

L’Utah avait éliminé la possibilité d’exécuter un condamné par peloton d’exécution en 2004. La Cour suprême des Etats-Unis doit statuer le mois prochain sur la constitutionnalité des injections létales, la forme la plus commune d’exécution aux Etats-Unis, mais de plus en plus controversée.

En 2008, la Cour avait jugé qu’elles étaient constitutionnelles mais depuis, des pénuries des produits d’injection les plus couramment utilisés ont amené certains responsables à utiliser des combinaisons expérimentales de substances létales qui ont apparemment causé des agonies douloureuses lors de récentes exécutions, notamment en Oklahoma.

Et c’est ainsi que l’Utah est devenu le premier Etat américain à rétablir officiellement le peloton d’exécution pour mettre à mort ses condamnés, face aux difficultés à s’approvisionner en produits d’injection létale, mais des voix s’élèvent pour condamner cette méthode considérée par certains comme d’un autre âge.Gary Herbert, le gouverneur de l’Utah, a signé une loi établissant le peloton d’exécution « comme seconde méthode d’exécution, si les médicaments nécessaires pour l’injection létale ne peuvent pas être obtenus ». Le bureau du gouverneur républicain de cet Etat du sud-ouest précise cependant que « l’injection létale reste la principale méthode pour mener à bien les exécutions dans l’Utah ». »Le gros problème est que les Etats cherchent à trouver comment gérer le casse-tête de l’injection létale aux Etats-Unis », observe Rob Dunham, nouveau directeur du Centre d’information sur la peine capitale (DPIC).

Depuis que les fabricants pharmaceutiques, en premier lieu en Europe, refusent de fournir leurs produits pour des exécutions, les 32 Etats américains où la peine capitale est en vigueur se trouvent confrontés à une pénurie. « Les stocks s’épuisent » et les exécutions menées avec des produits non homologués « tournent mal, échouent ou s’avèrent atroces ». »Cela change l’opinion publique vis-à-vis de l’injection létale jusqu’ici considérée comme rapide, efficace et sans douleur », conduisant les Etats à arrêter d’exécuter ou à se tourner vers des alternatives.

C’est ainsi que huit Etats proposent la chaise électrique comme solution de rechange, comme la Floride, quatre offrent la chambre à gaz, comme l’Arizona et trois ont opté pour la pendaison, à l’instar de l’Etat de Washington, dans le nord-ouest. Par sa loi entrée en vigueur le lundi 23 mars, l’Utah devient ainsi le seul Etat américain où le peloton d’exécution est rétabli, sans condition, en cas de pénurie de « sodium thiopental ou d’un autre produit létal équivalent ». L’Oklahoma propose également cette méthode mais seulement si la chaise électrique et l’injection létale sont jugées inconstitutionnelles. L’Utah, qui a toujours donné la possibilité à ses condamnés à mort de choisir le peloton, est aussi le dernier Etat en date à avoir utilisé cette méthode en place dans les années 1800-1900, et le seul à avoir exécuté de cette manière au cours des quatre dernières décennies. Trois l’ont été depuis 1977, le dernier condamné à mort fusillé est Ronnie Gardner, le 17 juin 2010, parce qu’il l’avait choisi, selon le DPIC (Death Penalty Information Center).

Pour ce type d’exécution, le prisonnier est encagoulé et attaché à une chaise avec des sangles à la taille et la tête. Son siège est entouré de sacs de sable pour absorber le sang et éviter que les balles ne ricochent. L’emplacement du coeur est marqué par une cible en tissu et cinq tireurs, dont un seul tire à blanc, ouvrent le feu à travers des fentes d’un mur de toile, selon la description du DPIC (Death Penalty Information Center). Considérée par beaucoup comme archaïque, la méthode n’est approuvée comme alternative que par 12% des Américains, juste devant la pendaison (8%) mais derrière la chambre à gaz (20%) et la chaise électrique (18%), selon un sondage NBC de mai 2014.Le gouverneur de l’Utah lui-même l’a qualifiée d' »un peu repoussante », l’Union américaine de défense des libertés (ACLU) l’a décrite comme « dépassée et barbare ». Mais Deborah Denno, professeur de droit à la Fordham University, considère que c’est « la plus humaine des cinq méthodes d’exécution en vigueur dans ce pays ». »De manière ironique, même si beaucoup d’Américains pensent que le peloton d’exécution est barbare, c’est la méthode historiquement associée au moindre risque d’erreur et à la plus grande probabilité d’obtenir une mort rapide et certaine », a dit à l’AFP cette spécialiste de l’injection létale. Car déguisée en procédure médicale, l’injection, qui « apparaissait superficiellement comme humaine et sans douleur, a échoué », a argumenté Rob Dunham.

La Cour suprême s’est saisie de la sinistre controverse et examinera le 29 avril la constitutionnalité de la méthode au regard d’une exécution ratée, il y a un an en Oklahoma. Plus généralement, relèvent les experts, c’est la question même de l’abolition de la peine capitale qui se pose. Car ceux qui s’opposent au retour du peloton d’exécution dans l’Utah « sont en priorité ceux qui s’élèvent contre la peine de mort en général », estime Marty Carpenter, porte-parole du gouverneur.

Il est à prévoir que seront exprimées de nombreuses condamnations de cette pratique arriérée, rétrograde, repoussante barbare pour reprendre certains qualificatifs utilisés aux Etats-Unis mêmes : seulement 12% des américains la jugent acceptable selon un sondage NBC. La porte-parole de Federica Mogherini a condamné cette exécution dans les mêmes termes que ceux qu’elle avait déjà utilisés pour Cecil Clayton. Un peu plus de 3000 personnes se trouvent actuellement dans le couloir de la mort, soit six fois plus que dans les années 1960, ce qui traduit entre autres le désarroi face à une situation où on ne veut pas renoncer à la peine de mort mais où on ne sait quel moyen employé et ces moyens sont nombreux, du plus classique, la chaise électrique, à la suffocation provoquée par l’inhalation d’azote. La controverse est ardente et les possibilités nombreuses si l’on en croit le recensement du « Death Penalty Information Center »(DPIC).

appelons que l’article 2 de la Charte européenne des droits fondamentaux prévoit que personne ne peut être condamné ou exécuté, c’est dire combien l’abolition de la peine de mort est une pierre fondamentale des valeurs de l’UE et Eric van Rompuy, alors président du Conseil européen n’a pas manqué de rappeler dans son discours de réception du Prix Nobel (11 décembre 2012) « ce qui définit notre position contre la peine mort ». L’UE reste donc de façon incontestable le premier acteur et le premier donateur en matière de lutte contre la peine de mort.

 

Pour en savoir plus :

 

-. Articles de Nea say sur la peine de mort http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3429&nea=154&lang=fra&arch=0&term=0

 -. Le rapport de Véronique de Keyser et la résolution du Parlement européen sur l’éradication de la torture dans le monde constitue une lecture utile http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=REPORT&reference=A7-2014-0100&language=FR 

-. Politique de l’UE en matière de peine de mort http://eeas.europa.eu/human_rights/adp/index_fr.htm

 -. La Commission internationale contre la peine de mort http://www.icomdp.org/

-. Death Penalty Information Center http://www.deathpenaltyinfo.org/http://www.deathpenaltyinfo.org/

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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