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Compte-rendu | Referendum : un bon outil démocratique

Le mardi 28 février, Eu-Logos a organisé sa première conférence en partenariat avec 1989 Generation Initiative, un réseau politique ouvert visant à redynamiser le projet européen au travers d’une formulation participative de propositions politiques par la nouvelle génération européenne née autour de l’année 1989 et l’association Students For Europe regroupant les étudiants de l’Institut d’Etudes Européennes de l’ULB autour de l’envie de débattre de sujets européens. Cette conférence, intitulée « Référendum : un bon outil démocratique ? », avait pour vocation de débattre sur la question du référendum. En effet, si une société démocratique donne « le pouvoir au peuple », alors le référendum ne serait-il pas l’outil démocratique par excellence, puisqu’il permet l’intervention directe des citoyens ? Cependant, le bien-fondé de son utilisation est de plus en plus débattu. Il peut, dans certains cas, être utilisé à mauvais escient et avoir des conséquences dangereuses. Pour notre conférence, nous avons invité trois spécialistes de la question à venir débattre sur ce sujet.

La première à intervenir était Laurence Morel. Cette politologue travaille en particulier sur les pratiques démocratiques telles que le référendum. Elle est d’abord revenue sur les référendums récents dont l’issue a été la remise en cause d’accord historiques ou le désaveu des gouvernements en place (Brexit, référendum sur les réformes institutionnelles en Italie, accord de paix avec les FARC en Colombie, …), ce qui en fait un outil très controversé.

Son exposé a repris les différentes critiques de la pratique référendaire, dont la principale est basée sur la capacité démocratique du procédé. Celle-ci est elle même abordée selon différents points de vue. D’abord, un argument quantitatif : le référendum produirait souvent un résultat minoritaire, à cause de la participation faible, alors que la démocratie doit être le gouvernement de la majorité. Puis, un argument qualitatif : le référendum représenterait de manière imparfaite la volonté populaire, autrement dit il n’exprimerait jamais vraiment la préférence des votants sur la question posée.

L’oratrice explicite plus particulièrement cet argument :

  • On reproche au vote référendaire d’exprimer une volonté « sous influence », typiquement des partis politiques, medias ou minorités actives. Mais Laurence Morel souligne que ce problème n’existe vraiment que quand la question posée suscite un sentiment d’incompétence ou l’indifférence. Il faut donc s’assurer que les questions posées respectent certaines exigences formelles en les rendant compréhensibles et qu’elles portent sur des sujets mobilisateurs. Une bonne campagne d’information est aussi fondamentale à cet égard.
  • Le vote référendaire se transformerait en un vote de confiance envers l’exécutif. Là encore, le glissement d’enjeu n’existe que quand la question posée est trop complexe ou éloignée des préoccupations des citoyens. On peut lui faire échec en organisant le référendum le même jour que l’élection ou plusieurs référendums le même jour.
  • Le référendum reflèterait mal la volonté populaire car il ne permet pas l’élaboration collective de la proposition, et enferme le choix dans une alternative bloquée. Ce problème est beaucoup moins posé avec l’initiative populaire. S’agissant des référendums d’initiative gouvernementale, il peut être évité en veillant à ce que l’alternative en présence résume les principaux courants de l’opinion à un moment donné sur la question.

Pour conclure, l’intervenante appuie le rôle du référendum dans notre société, en insistant sur le rôle central de ses modalités et de leur contrôle par des instances appropriées. Malgré sa mauvaise utilisation, notamment par les populistes, il serait dangereux de le dénigrer. Pour Mme Morel, « Le challenge est le suivant : reprendre le référendum aux populistes et en faire un outil démocratique correct ».

Le second intervenant, Gérard Grunberg, est un politologue qui travaille aussi bien sur les questions de science politique que sur les questions de sociologie politique. Cet observateur de la vie politique française et européenne s’est trouvé en partiel désaccord avec Laurence Morel. Ce défenseur acharné de la démocratie représentative est arrivé à la conclusion que le référendum est un instrument défectueux qui doit être utilisé avec parcimonie. Il présente les défauts intrinsèques de la procédure référendaire. Tout d’abord, le caractère manichéen de cette procédure met en danger la démocratie représentative. Le choix binaire proposé empêche le processus normatif de se développer : il n’y a, en effet, aucune place pour la délibération. De plus, cela peut créer une rupture dans la société qui sera, par la suite, compliquée à dépasser. Ensuite, le référendum présente un caractère irréversible : une fois que la volonté générale s’est exprimée, aucune institution n’a la légitimité de remettre cette parole en doute. Enfin, il faut éviter une utilisation perverse du référendum : celui-ci ne doit pas être utilisé par les politiciens afin d’échapper à leurs responsabilités, car « on ne peut pas demander aux citoyens de faire le travail des politiciens ».
Selon Gérard Grunberg, même s’il réalise que son affirmation est quelque peu antidémocratique, le référendum ne devrait pas être utilisé pour des questions trop importantes. Celui-ci ne doit être envisagé qu’à un niveau local pour lequel les citoyens ont plus de connaissances.

Pierre Defraigne, notre dernier intervenant, était le seul économiste présent. Au niveau professionnel, ce dernier oscille entre les institutions et le monde académique, entre l’action et la contemplation. Contrairement aux autres intervenants, il a pris le parti d’avoir une approche plus européenne et plus concrète du référendum. En effet, selon lui, l’Union européenne compte de moins en moins dans ce monde gouverné par des systèmes forts tels que les Etats-Unis. Peut-on encore considérer l’Union européenne comme une grande puissance ? Selon lui, «l’Union européenne a besoin d’un choc pour sortir de sa paralysie» et le référendum serait peut-être le sursaut qu’il manque à l’Union pour se réveiller. Le référendum ne peut, cependant, prendre n’importe quelle forme : les questions posées doivent être multiples et porter sur des enjeux importants, tels que, notamment, la défense européenne, le budget européen, la taxation des multinationales étrangères.

A travers ces diverses interventions, le public a pu se forger un avis sur la question du référendum. Ainsi, afin de rendre le débat plus vivant, la modératrice, Anne- Emmanuelle Bourgaux, avait proposé une mini-expérience de démocratie participative. A la fin du débat, le public a été invité à répondre à une question sur le référendum : « Pour ou contre l’instauration du référendum sur les futurs traités constituants de l’Union européenne dans chaque Etat-membre ? ». Le « contre » l’emporta, ce qui nous a permis de constater que même le peuple ne considère pas cet outil démocratique comme une pratique satisfaisante pour répondre aux enjeux politiques actuels. Toutefois, la réponse du public est à nuancer car il n’était pas dans une situation suffisamment concrète et ne disposait pas de toutes les informations nécessaires pour répondre à la question posée.

Finalement, cette conférence nous a permis d’y voir plus clair sur l’outil qu’est le référendum. Des désaccords subsistent sur son utilisation, mais sa mise en œuvre doit malgré tout être encadrée afin que le statu quo ne reste pas la solution par défaut.

 

Margaux Etienne
Alice Poidevin

Pour en savoir plus :

Article portant sur la conférence réalisé par Le Vif L’Express :

http://www.levif.be/actualite/international/le-referendum-bon-outil-democratique-ou- arme-dangereuse/article-normal-622589.html

COHEN Elie, GRUNBERG Gérard, MANIN Bernard, « Le référendum, un instrument défectueux », Le Débat 2017/1 (n° 193), p. 137-140 https://www.cairn.info/revue-le-debat-2017-1-page-137.htm

DOLEZ Bernard, LAURENT Annie, MOREL Laurence, « Les référendums en France sous la Ve république. Les enseignements de la géographie électorale », Revue internationale de politique comparée 2003/1 (Vol. 10), p. 111-127 http://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2003-1-page- 111.htm#

Article sur la Libre : « La chimère européenne d’Angela Merkel » – Opinion de Pierre Defraigne : http://www.lalibre.be/debats/opinions/la-chimere-europeenne-d-angela-merkel- opinion-58ab1cf1cd703b98155802c9

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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