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L’Europe à la reconquête de ses citoyens : c’est maintenant ! Vers des conventions démocratiques à travers toute l’Europe

C’est le moment de profiter du regain de faveur incontestable mais encore fragile pour la construction européenne. Le sursaut des Européens doit être consolidé, aller bien au-delà du simple redémarrage du couple franco-allemand. L’Europe vient de connaître une décennie de crises qui lui ont été cruelles. Ces crises ont failli la désintégrer et lui on fait perdre la tête, c’est-à-dire perdre le sens profond de son projet. Ces crises ont été politiques, bien évidemment, mais aussi d’ordre économique, ce qui n’est pas négligeable pour la première puissance commerciale mondiale et le premier investisseur mondial. Ce que l’on a trop facilement tendance à oublier.

Cette relance et cette refondation rapides passent par une mobilisation des citoyens et non pas par leur simple consultation, de nature plus ou moins bureaucratique. Par contre c’est bien le lancement de « conventions démocratiques » à travers toute l’Union qui est susceptible d’apporter cette refondation que beaucoup appelle. C’est ce que vient de proposer Emmanuel Macron dans son discours devant le Congrès qui, le 3 juillet dernier, a réuni à Versailles députés et sénateurs français. Cette refondation doit intervenir rapidement et profiter de la conjoncture actuelle dans l’opinion publique européenne où les sondages montrent une plus grande confiance dans la plupart des pays.

« Il revient à une génération nouvelle de dirigeants de reprendre l’idée européenne à son origine, qui est politique dans son essence, une association volontaire, réaliste et ambitieuse d’États » a expliqué le président Macron.

« D’ici la fin de l’année, partout en Europe, nous lancerons des conventions démocratiques pour refonder l’Europe sur ce projet politique premier, sur ces ambitions premières qui unissent les hommes. Libre à chacun d’y souscrire ou non mais le temps n’est plus au raccommodage ». L’idée court depuis un certain temps : dans son livre blanc sur l’avenir de l’Europe de mars 2017, la Commission européenne en a évoqué l’idée et au lendemain de l’annonce de Emmanuel Macron, elle a fait remarquer que ses « Dialogues citoyens et ses deux cents événements de rencontres avec les commissaires, elle avait donné un avant-goût de ce que Emmanuel Macron appelle « des conventions démocratiques ». Mais le président de la République veut aller plus loin : « il s’agit d’organiser un vaste débat au-delà des cercles habituels et des Européens déjà convaincus pour identifier les priorités ». Emmanuel Macron veut que les citoyens européens s’approprient les objectifs et priorités ce qui est la meilleure approche possible, une approche qui a fait défaut jusqu’à maintenant. Il ne veut pas laisser la maîtrise du débat aux populistes, dénonçant au passage ceux qui souillent l’Europe par des propos excessifs, violents, malsains. Manifestement Emmanuel Macron veut aller plus loin et sortir d’une routine qui n’a pas permis de faire un bon en avant. Il souhaite aller de l’avant sans attendre de convaincre tout le monde . Cela demandera beaucoup de préparation. Emmanuel Macron veut, avant tout, que l’Europe ne soit plus perçue et ne se comporte plus « comme un syndic de gestion des crises », mais comme apportant des solutions engageant durablement l’avenir de façon innovante.

C’est un pari audacieux, un combat dans lequel doit s’engager toutes les forces vives du militantisme européen et cela de façon inédite : une ampleur plus grande, une visibilité et une continuité plus assurées. C’est maintenant, le vent est favorable, mais il peut encore tourner. C’est maintenant et pourquoi ? Que constatons-nous ? La défaite des populismes, même provisoire, intervient au moment où arrivent des dirigeants plus déterminés à mettre à jour la carte européenne, un reset ferme du couple franco-allemand, une percée de l’Europe de la défense, une révolution profonde : il s’agit, non seulement, d’harmoniser les capacités de défense, mais aussi de porter un projet industriel capable de s’exporter. L’unité est préservée dans le Brexit et face à Trump. Cette unité est préservée également, et tant bien que mal, face à la Russie : les sanctions sont régulièrement renouvelées même si chacun est conscient qu’il faut passer à une autre étape. L’Europe est à la pointe du combat sur le front du climat et redouble de combativité depuis que le président américain a annoncé son retrait de l’accord de Paris. L’Europe a frappé le géant américain Google d’une amende record de 2,4 milliards. On assiste au déblocage de l’union bancaire, même si les récentes difficultés des banques italiennes montrent bien qu’il y a encore des failles. Un accord de grande ampleur est conclu avec le Japon sans déchaîner une vague d’oppositions irrépressibles comme auparavant, comme si l’opinion publique avait subitement fait siens les propos d’Angela Merkel : « quiconque pense pouvoir régler les problèmes de ce monde par l’isolationnisme et le protectionnisme, fait une énorme erreur. »

Concernant l’Union économique et monétaire des progrès sont attendus et annoncés : « nous sommes d’accord pour dire que la zone euro doit être stabilisée et davantage développée » ; elle a rappelé la proposition allemande d’un Fonds monétaire européen, espérant que la zone euro gagnerait en autonomie. Un budget européen ? Un ministre européen de l’économie et des finances ? Pourquoi pas, concède la chancelière. Français et Allemands veulent faire progresser l’Europe et le faire savoir tout de suite. L’action de l’Europe, chaque fois qu’elle se tourne résolument vers le changement, produit des résultats : l’emploi atteint des niveaux records même s’ils sont encore insuffisants, l’investissement est également en hausse, certaines projections économiques font apparaître que la croissance économique devrait être bien plus rapide qu’aux États-Unis. Le crédit n’est pas cher et des flux d’investissements, encore insuffisants mais croissants, devraient soutenir l’activité et la création d’emplois. La confiance des consommateurs revient, certes à petits pas mais de façon indéniable et les pays les plus abîmés par la crise restaurent progressivement leur équilibre financier. L’Espagne, l’Italie, la Grèce ont consenti de gros efforts ; ils devraient commencer à en recueillir les fruits. Quant à l’Allemagne, elle s’oriente lentement, prudemment mais sûrement, vers un modèle économique moins rigoureux : la figure du « père fouettard » s’éloigne.

L’Europe fait preuve d’une plus grande fermeté vis-à-vis de ses pseudo alliés et ne craint plus d’agiter à l’occasion le spectre de la guerre commerciale s’il faut en dernière extrémité en arriver là. Désormais elle ne laisse à personne d’autre le rôle du leadership chaque fois qu’elle se sent en mesure de le faire. La reprise de l’influence de l’Europe dans le monde est évidente même si elle appelle encore une confirmation.

Les différents et nombreux scénarios proposés par la Commission dans le cadre de son livre blanc sur « l’Avenir de l’Europe » créent de la perplexité dans leur bonne compréhension mais témoignent aussi que le discours politique a gagné en qualité de réflexion, est plus constructif et mieux orienté vers l’avenir, un vocabulaire nouveau même s’il n’est pas encore totalement renouvelé. C’est une ébauche de stratégie sur la manière de tirer profit de ce regain de confiance. Mais encore faut-il que les citoyens soient intégrés au débat.

Tous les sujets de division entre Européens n’ont pas magiquement disparu comme celui des migrants et la fracture est-ouest qui s’en est suivie et se poursuit sur d’autres sujets d’affrontement. Tous aussi vifs.

La méthode des conventions démocratiques, proposée par Emmanuel Macron, est une méthode ouverte, ouverte sur les citoyens et la société plutôt que de se complaire sur l’entre soi, un mal universel que l’on retrouve un peu partout et singulièrement dans la promotion de l’Europe. Un entre-soi qui se referme sur des arrières pensées et de petits calculs, étroits et stériles.

Les choses ont changé et l’expression européenne en direction de l’opinion publique jusqu’ici, timorée, sur la défensive va pouvoir s’exprimer ouvertement et activement. Mais pour cela il faut un collectif dynamique et inventif, organisé de façon durable. Un tout jeune mouvement ‘Pulse of Europe’ vient de montrer la voie. Il prend de l’ampleur, bien décidé à accompagner cette renaissance et à susciter une émulation ardente. Cette proposition de « conventions démocratiques » nous interpellent fortement. Jusqu’ici, dans le climat politique ambiant, peu d’occasions étaient données de manifester son attachement et d’agir. Nous ne pouvons pas continuer à compter sur les autres pour défendre nos libertés, nos valeurs, nos droits, nos intérêts face aux menaces bien réelles. La relation avec les 500 millions de citoyens doit être améliorée et c’est à eux de prendre les initiatives. Encore faut-il que, correctement informés, ils se rendent compte que tous les jours des décisions sont préparées ou prises qui les concernent très directement, elles ont un sens, que ces personnes comprennent parfaitement. Au hasard, prenons quelques exemples tirés du tout dernier ordre du jour de la session plénière du Parlement européen :la directive sur les travailleurs étrangers, le plan d’investissements pour faire face à la crise migratoire, l’évasion fiscale (les multinationales doivent rendre public ce qu’elles payent), lutter contre les maladies transmissibles (VIH, tuberculose, hépatite C), plus de livres disponibles pour les aveugles, une durée de vie plus longue pour les produits, etc.

Peu à peu apparaissent enfin au grand jour les vertus de l’Europe , justifiant la formule du professeur de Princeton, Andrew Moravcsik, « l’Europe superpuissance invisible ». Une majorité silencieuse, parfois invoquée, enfin révélée au grand jour, nous permet d’envisager de mobiliser ce courant d’opinion pro-européen. EU-Logos entend prendre toute sa part dans ce combat et invite tous ceux qui se sentent appelés à le rejoindre.

Henri-Pierre Legros

Pour en savoir plus

https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/livre_blanc_sur_lavenir_de_leurope_fr.pdf.

Texte du discours de Emmanuel Macron au Congrès de Versailles le 3 juillet 2017 http://www.bfmtv.com/politique/texte-le-discours-d-emmanuel-macron-au-congres-de-versailles-1200523.html.

Pulse of Europe https://pulseofeurope.eu/.

Moravcsik the choice for Europe https://books.google.be/books/about/The_Choice_for_Europe.html?id=iNuxaIMPl1UC&redir_esc=y.

Image disponible sur le site https://pulseofeurope.eu/.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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