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La politique de l’Union européenne en Libye et les condamnations de l’ONU

En novembre, les observateurs des Nations Unies (ONU) ont visité les quatre centres de détention pour migrants de Tripoli, structures du Département de lutte contre les migrations illégales (DCIM – Detention centres managed by Libya’s Directorate for Combating Illegal Migration) qui dépendent du ministère de l’Intérieur de la Libye. Les conséquences de cette visite et la mise en ligne d’une vidéo par la CNN (chaîne d’infos américaine), ont montré que les centres de détention libyens sont en réalité des lieux de viol et de torture. La condamnation de l’ONU est orientée vers les politiques européennes et les États qui s’efforcent de conclure des accords avec la Libye pour ralentir les flux migratoires de la Méditerranée centrale. Dans cet article, tout d’abord, l’action de l’Union européenne (UE) en Libye et les résultats du Sommet de Paris du 28 août seront examinés, en particulier l’approche italienne. Deuxièmement, le point de vue des experts sera expliqué pour comprendre les intérêts de l’UE en Libye et dans le sud du pays pour ralentir les flux et le trafic des migrants. En conséquence, les Conclusions récentes du Conseil européen concernant la route de la Méditerranée centrale seront présentées. Enfin, l’article se concentrera sur les accusations de l’ONU envers l’UE, ses sources et ses résultats, afin d’essayer de comprendre la voie à suivre.

 

L’action de l’UE en Libye

En Libye, l’UE a principalement un rôle de soutien à l’ONU et à sa mission (UNSMIL). L’UE s’est engagée envers la Libye à travers cinq mesures principales:

  1. Le soutien à la transition politique: l’UE a soutenu les efforts pour mettre en œuvre l’accord politique libyen (APL) conclu en décembre 2015, et le gouvernement de l’accord national soutenu par l’ONU et présidé par Fayez el-Sarraj. De plus, l’UE encourage le dialogue avec des partenaires, tels que la Ligue arabe et l’Union africaine, pour améliorer les relations politiques et économiques et favoriser la transition démocratique.
  2. L’aide bilatérale et humanitaire: l’UE a un programme d’aide bilatérale d’environ 120 millions d’euros pour 37 projets dans six domaines: la société civile, la gouvernance, la santé, la jeunesse et l’éducation, la migration et le soutien au processus politique, la sécurité et la médiation. Le 20 juillet 2017, la Commission européenne a annoncé une aide humanitaire supplémentaire de 10 millions d’euros pour les catégories les plus vulnérables de la population. Ceci s’ajoute au financement préétabli de 10,8 millions d’euros pour les organisations non gouvernementales ou les agences des Nations Unies pour la gestion des fonds.
  3. La coopération en matière de migration et la protection des migrants: l’UE a mobilisé 182 millions d’euros pour des projets sur la migration, 162 millions d’euros pour le fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique (EUTF) et 20 millions d’euros pour l’aide bilatérale. Il y a quatre projets dans ce domaine. Le premier projet, mené par un groupe d’organisations non gouvernementales, dirigées par le Conseil danois pour les réfugiés, veut renforcer la protection et la résilience des populations déplacées en Libye. Un deuxième programme est mis en œuvre par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour soutenir la protection volontaire, le rapatriement et la réintégration des migrants vulnérables en Libye. Le troisième projet mis en œuvre par un certain nombre de partenaires internationaux (d’une valeur de 90 millions d’euros) porte sur la protection et l’assistance à ceux qui en ont besoin et sur la stabilisation des communautés locales. Le quatrième projet (46 millions d’euros), réalisé par le ministère italien de l’Intérieur à partir du 4 juillet, veut intensifier les activités de soutien à la frontière libyenne et aux gardes côtiers afin d’améliorer leur capacité à gérer efficacement les frontières du pays, surtout celles du sud.
  4. L’Opération Sophia et EUBAM Libye: l’Opération Med EUNAVFOR Sophia a débuté en juin 2015 pour apporter une réponse globale à la crise des migrants et des réfugiés. L’objectif de l’opération est de lutter contre la traite des êtres humains en intervenant contre les réseaux criminels. Le 25 juillet 2017, le Conseil européen a prorogé le mandat de l’Opération Sophia jusqu’au 31 décembre 2018 et a également modifié le mandat de l’opération visant à créer un centre de formation des garde-côtes libyens, mener de nouvelles activités de surveillance et collecter les informations sur l’exportation illégale de pétrole de la Libye. L’opération EUBAM Libye a été initialement lancée en mai 2013 en tant que mission de gestion des frontières en Libye. En février 2016, son mandat a été modifié pour prévoir une éventuelle réforme du secteur de la sécurité, en mettant l’accent sur la police, la justice pénale, la sécurité des frontières et l’immigration. Le 17 juillet 2017, le Conseil a prorogé le mandat de l’EUBAM Libye jusqu’au 31 décembre 2018 afin de planifier une éventuelle mission de renforcement des capacités dans les domaines de la gestion des frontières, de l’application des lois et de la justice pénale.

En raison des flux migratoires croissants, l’Italie s’est également engagée à renforcer ses relations avec la Libye. En effet, le 2 Février 2017, à Rome, le Premier ministre italien Paolo Gentiloni et le Premier ministre libyen Fayez el-Sarraj ont signé le Mémorandum d’accord sur la coopération dans le domaine de la lutte contre le développement de l’immigration clandestine, la traite des personnes,  et le renforcement des frontières entre la Libye et l’Italie. Les deux pays, appelés dans le Mémorandum «les Parties», ont accepté de travailler ensemble pour «soutenir la sécurité et les institutions militaires (libyennes) afin d’endiguer le flux des migrants illégaux» (art. 1). Ainsi, l’Italie fournit un «soutien technique et technologique, et l’achèvement d’un système de contrôle des frontières du sud de la Libye». Le Mémorandum décrit «l’adaptation et le financement» des centres d’accueil existants en Libye. L’Italie est alors déterminée à assurer le financement de toutes les initiatives prévues par l’accord, y compris «le lancement de programmes de développement dans les régions libyennes touchées par l’immigration clandestine».

Le 26 Juillet, le Premier ministre libyen Fayez el-Sarraj s’est rendu à Rome pour discuter avec le Premier ministre Paolo Gentiloni les thèmes du conflit en cours dans son pays et le flux incessant des migrants en provenance de Libye qui arrivent en Italie. Ce jour-là, le President Sarraj a demandé «le soutien technique du gouvernement italien avec les unités navales italiennes dans la lutte commune contre la traite des êtres humains dans les eaux libyennes». Lors de la conférence de presse conjointe, Gentiloni a déclaré que la demande était en cours d’examen par le ministère de la Défense. De plus, le 26 août à Rome, le ministre italien de la Défense, Marco Minniti, a rencontré les maires de certaines villes du sud de la Libye et les représentants de 14 communautés locales des pays voisins pour poursuivre l’engagement partagé et lutter contre la traite des êtres humains. La réunion avait pour but de pacifier les différentes factions, groupes ethniques et tribus dans le sud du pays, face à un engagement commun pour lutter contre la traite des migrants en provenance du Niger, du Tchad, du Soudan et d’Afrique de l’Ouest qui sont exposés à des risques. Au cours de la réunion, les représentants des pays et des régions concernés ont réaffirmé la nécessité de renforcer la capacité du contrôle des frontières maritimes et terrestres à travers la mise en œuvre des mécanismes pour soutenir la formation et le fonctionnement des gardes-frontières, convenant que «la lutte contre le terrorisme et le trafic, il est essentiel de renforcer les institutions étatiques de chaque pays». En outre, il a été convenu d’étendre au Tchad, au Niger et au Mali le dialogue avec les autorités municipales afin d’encourager le développement des économies alternatives et mettre en place un groupe de travail des forces de sécurité de haut niveau. La réunion a aussi promu la nécessité d’une plus grande implication de l’OIM et de l’Agence des Nations Unies pour les refugiés (UNHCR) afin de réaliser au Niger, au Tchad (et d’améliorer en Libye) les centres d’accueil pour migrants irréguliers, conformément à leur législation interne, en vue de les mettre en conformité avec les normes humanitaires internationales, avec le soutien financier et technique de l’UE.

Le 28 août 2017 à Paris, le président français Emmanuel Macron a reçu à l’Elysée les Présidents du Niger Mahamadou Issoufou, du Tchad Idriss Deby Itno, la Chancelière allemande Angela Merkel, le Haut représentant des Affaires étrangères Federica Mogherini, le Président du Conseil italien Paolo Gentiloni, le Premier ministre libyen Fayez el-Sarraj et le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy, qui se sont rencontrés pour définir les politiques de contrôle des flux migratoires. Les Premiers ministres ont réaffirmé la nécessité de renforcer la capacité du contrôle des frontières maritimes et terrestres à travers la mise en œuvre des mécanismes pour soutenir la formation et les opérations des gardes-frontières, et ont convenu que pour la lutte contre le terrorisme et les trafiquants il est essentiel de renforcer les institutions étatiques de chaque pays. Le but était d’identifier des projets de développement et les réseaux de financement possibles, grâce à un véritable plan d’investissement qui pouvait également utiliser les fonds du Fonds fiduciaire UE pour l’Afrique, incluant le Tchad, le Niger et le Mali pour promouvoir le développement des économies alternatives. Dans le texte intégral publié après le Sommet est souligné que «vers le Niger et le Tchad, l’Allemagne, l’Espagne, la France et l’Italie comme l’UE réitèrent leur détermination à contenir le flux de l’immigration clandestine avant d’atteindre la Libye. Ces pays se félicitent de la coopération entre le Niger et le Tchad pour relever les défis posés par la migration irrégulière et la traite des êtres humains. Conformément à la Déclaration sur la solidarité et la sécurité adoptée à Rome le 6 juillet 2017, l’UE, l’Allemagne, l’Espagne, la France et l’Italie, continueront à améliorer la coopération économique avec les communautés locales en ce qui concerne les routes migratoires, en particulier dans la région d’Agadez et en Libye, pour créer d’autres sources de revenus, accroître leur résilience et les rendre indépendants de la traite des êtres humains. À cet égard, le projet italien de coopération avec 14 communautés locales sur les routes migratoires en Libye est particulièrement opportun, de même que les projets financés par les fonds fiduciaires de l’UE pour l’Afrique ».

Cela montre que quatre États en particulier, ont mis en pratique des politiques pour soutenir la reconstruction libyenne et gérer les flux migratoires. Cependant, il faut comprendre l’importance de la stabilité dans la région libyenne. L’UE et les pays méditerranéens ont un grand intérêt à projeter la stabilité et à contrôler le trafic dans la Méditerranée centrale. En dépit des positions divergentes des Etats membres sur les politiques européennes adoptées avec la Libye, la question des migrants reste centrale dans l’agenda européen.

Les propositions d’experts sur les approches à suivre

Selon Andrew A. Michta, président du Collège d’études internationales et de sécurité du Centre européen George C. Marshall, les gouvernements européens devaient s’engager dans les pays d’origine des migrants (Moyen-Orient et Afrique du Nord, mais aussi au Sahel et en Asie) depuis le début de la crise migratoire. Le flux ininterrompu de migrants vers l’UE a redéfini sa position géostratégique. Il note que l’Europe du sud reste exposée et vulnérable aux pressions des flux migratoires qui ont eu deux effets. Le premier a été l’atrophie progressive du système Schengen de l’UE. Le deuxième a été la polarisation croissante entre les Etats à travers le continent, avec des divisions fondamentales et de plus en plus insolubles sur la question de la réinstallation, en particulier entre l’Allemagne et l’Europe centrale et orientale.

En ce sens, 2017 a été une année emblématique pour les relations entre l’UE et la Libye dans le but de consolider une politique capable de freiner le flux. Selon Marc Pierini, chercheur sur les développements au Moyen-Orient du think tank Carnegie Europe, l’UE joue un rôle de soutien en Libye depuis 2015 et la situation est particulièrement complexe, compte tenu de l’existence de deux gouvernements: à Tripoli et à Benghazi. Il est clair que la stabilité politique est le seul outil qui pourrait ralentir les flux migratoires qui ont une influence sur les pays européens et non européens. En effet, des régions entières sont concernées par ces mouvements: Jordanie, Liban, Turquie comme premières destinations, Italie et Grèce comme pays de premier accueil en Europe, les Balkans occidentaux comme pays de transit, Croatie, Slovénie, Autriche, et Hongrie comme pays de transit de l’UE vers l’Allemagne. Le problème concerne donc toute l’Europe, mais chaque État a des responsabilités en matière migratoire. L’expert souligne également qu’aucun État membre de l’UE, aussi puissant soit-il, n’a la capacité d’imposer une politique aux autres États membres.

Selon Erik Brattberg, directeur du programme européen et chercheur à la Fondation Carnegie pour la paix internationale, le Sommet de Paris du 28 août a été un pas en avant pour les pays européens  «de bonne volonté». Cela reflète le fait que les défis migratoires de l’Europe sont liés à des situations sociales, économiques, politiques et environnementales dans les pays d’origine ou de transit où l’UE n’a pas fait assez pour projeter la stabilité jusqu’à cette date. Brattberg, tout comme Pierini, soutient que déjà en 2016 il fallait trouver une stratégie commune, en évitant une polarisation entre les États stratégiquement «de bonne volonté» et les États qui construisaient les murs à leurs frontières. En outre, l’expert souligne que les structures institutionnelles et juridiques de l’UE dans le domaine des migrations ont été partiellement inadéquates (telles que le règlement de Dublin, les systèmes de réinstallation et les procédures d’infraction) ou pas universellement acceptées. Par conséquent, le poids socio-économique qui dérive des flux dans la Méditerranée centrale tombe toujours sur un groupe de pays, l’Italie surtout.

Les experts soulignent à quel point ce problème met en évidence les différentes vitesses dans l’UE. Après un parcours chronologique, il faut reconnaître que l’UE a réagi avec une lenteur relative pour deux raisons fondamentales: un système structurel européen lent et inadéquat, et des Etats qui n’ont pas fait preuve de solidarité pour accélérer la relocalisation ou partager les responsabilités en cas d’urgence. Cependant, après le Mémorandum signé par l’Italie et la Libye, les rencontres bilatérales entre le dirigeant libyen Sarraj et des chefs d’Etat d’autres pays méditerranéens, les réunions avec des représentants des pays d’origine et de transit à Rome et le Sommet de Paris, il semble que l’UE, au moins sur les intentions, soit sur la bonne voie.

Selon Tim Eaton et Paul Melly, chercheurs du Chatham House, l’Institut royal des affaires internationales à Londres, en regardant l’économie des pays au sud de la Libye, de nombreuses communautés sont devenues dépendantes du trafic de migrants. Il faudrait donc agir au-delà de la Libye. Cependant, les experts soulignent que l’idée selon laquelle les contrôles aux frontières peuvent arrêter les flux migratoires ne suffit pas. Maintenant, dans les zones frontalières, la vague migratoire est devenue un générateur de profits pour les grands trafiquants, mais aussi pour ceux qui effectuent des transports et des échanges commerciaux  au niveau local. En outre, le manque de moyens de subsistance, en particulier pour les jeunes, est un facteur de motivation pour les impliquer dans la traite des êtres humains. Même si l’on introduit des contrôles sévères aux frontières, les trafiquants pourront ouvrir d’autres voies de transit ailleurs, compte tenu de l’ampleur de la zone. La politique de contrôle doit s’accompagner d’une approche socio-économique qui ne se limite pas aux frontières ou à la formation des forces compétentes mais qui intervienne au sein des sociétés.

Les positions de l’UE en 2017

Sur le plan législatif, en 2017 l’UE a accordé beaucoup d’attention à la question libyenne. Le 6 février 2017, dans ses Conclusions, le Conseil européen a apprécié l’engagement libyen dans la lutte contre le terrorisme, mais a exprimé sa préoccupation face à la situation humanitaire: environ 1,3 million de personnes avaient besoin d’assistance et du soutien des opérateurs humanitaires. Parallèlement, l’UE a condamné les violations des droits humains et les abus contre les migrants et a exhorté les autorités libyennes à redoubler d’efforts pour améliorer la protection et la promotion des droits de l’Homme, en particulier dans les centres de détention pour migrants. Déjà en février, l’UE a appelé à de meilleures conditions pour la sécurité sur le terrain et une stabilité politique pour pouvoir offrir de l’aide à toutes les régions de la Libye, y compris le sud: l’UE voyait déjà la possibilité d’accroître son engagement.

Le 17 Juillet 2017, alors qu’en Italie se déroulait la rencontre entre les Premiers ministres italien et libyen, et entre le ministre de la Défense et les représentants de la communauté libyenne (aussi avec le Tchad, le Niger et le Mali),  au sein du Conseil européen les Conclusions ont encouragé les négociations qui devaient conduire à l’unification des forces libyennes de toutes les régions pour construire une architecture de sécurité nationale contrôlée par des civils. L’UE a également appelé à redoubler d’efforts pour lutter contre le trafic des migrants, des armes, des médicaments et des produits pétroliers. Enfin, l’Union a annoncé son intention de soutenir la Libye pour renforcer sa capacité à contrôler ses frontières conformément au droit international, en particulier dans le sud, et a bien accueilli la présentation du «Plan d’action sur les mesures pour soutenir l’Italie, réduire la pression sur la route de la Méditerranée centrale et renforcer la solidarité » afin de trouver des solutions pour réduire de manière significative le nombre croissant de réfugiés et de migrants.

Quelques semaines après le Sommet de Paris, lors du Sommet européen du 19 octobre à Bruxelles, dans ses Conclusions, l’UE a appelé à un plus grand rôle de l’Agence européenne des garde-côtes et des garde-frontières (Frontex) afin de garantir que les missions et opérations de la politique de sécurité et défense commune soient dotées de personnel et leurs mandats adaptés aux besoins pour contribuer à la lutte contre les réseaux de trafiquants. Dans le cadre des résultats du Sommet de Paris, l’UE a également soutenu le travail des partenaires du G5 Sahel (organe institutionnel de coordination de la coopération régionale dans les politiques de développement et de sécurité en Afrique centrale, établi le 16 février 2014 à Nouakchott, Mauritanie, au sommet de cinq pays du Sahel: Burkina Faso, Tchad, Mali, Mauritanie et Niger). Parallèlement, l’UE a réitéré la contribution significative de l’Italie et a souligné l’importance de travailler avec les autorités libyennes et tous ses voisins du sud pour améliorer la gestion des frontières, encourageant tous les États membres à soutenir les efforts du HCR et de l’OIM en Libye, et au Sahel.

La condamnation de l’ONU

Du 1er au 6 Novembre 2017, les observateurs des Nations Unies pour les droits de l’Homme ont visité à Tripoli quatre centres de détention pour migrants, structures de service pour la lutte contre l’immigration clandestine (DCIM) qui dépendent du ministère libyen de l’Intérieur. Après la visite, le Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a déclaré «Nous avons vu des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants émaciés et traumatisés, empilés les unes sur les autres, emprisonnés dans les hangars sans accès aux services de base les plus élémentaires, dépouillés de leur dignité humaine; ils ont déjà été exposés à la traite des personnes, les enlèvements, la torture, les viols et autres violences sexuelles, le travail forcé, l’exploitation, la violence physique grave, la faim et d’autres atrocités au cours de leur voyage à travers la Libye, souvent entre les mains des trafiquants et des contrebandiers ». De plus, les données semblent discordantes: selon des sources locales, les autorités de l’OIM à Tripoli comptaient 400.000 réfugiés, mais selon des sources italiennes ils étaient environ un million. Cependant, l’OIM a dit que dans les centres de détention sous le contrôle du gouvernement libyen et des 14 maires qui ont conclu l’accord avec l’Italie, les personnes détenues sont à peine 15.000.

En outre, selon une publication du site ONU ITALIA, le 14 Novembre, l’ONU à Genève n’a pas approuvé les accords entre l’UE et la Libye sur les migrants, et condamnait aussi l’indifférence de la communauté internationale devant les horreurs commises sur les migrants et l’insuffisance des mesures de l’UE. «Nous ne pouvons pas être les témoins de cet esclavage moderne, des viols et des assassinats illégaux au nom de la gestion des migrations», a déclaré al-Hussein. La preuve supplémentaire de ce qui s’est passé est une vidéo obtenue par CNN en août, qui révèle une vente aux enchères de trafiquants en Libye: la vente d’un garçon pour quelques centaines de dollars. La vidéo a été prise par un garçon nigérian qui attendait d’être vendu dans un endroit non identifié.

Le « J’accuse » de l’ONU a eu un écho international et a sérieusement inquiété les institutions européennes et les pays concernés pour comprendre comment mieux faire face au problème. Antonio Tajani, Président du Parlement européen, suite aux condamnations de l’ONU a déclaré: «ce que nous avons vu se produire en Libye pour les réfugiés est absolument inacceptable, très probablement une délégation du Parlement européen se rendra en Libye pour vérifier la situation». Parallèlement, Dimitris Avramopoulos, le Commissaire européen pour les migrations, a déclaré que «protéger les vies et assurer un traitement humain et la dignité sont la priorité commune de l’UE et ses États membres, en particulier de l’Italie». Le Haut représentant Federica Mogherini a déclaré que «nous ne pouvons pas ignorer le traitement inhumain des migrants en Libye, mais c’est une situation qui dure depuis des années et l’UE est engagée pour sauver ces personnes et démanteler ce réseau de criminels; nous avons entendu beaucoup d’histoires d’esclavage, à partir des histoires des femmes qui sont arrivées à Lampedusa. En tant qu’Européens, nous devons faire face à cette situation dramatique de nos frères et sœurs africains. Notre objectif est de fermer les centres de détention et cela a toujours été la position de l’UE». Même le ministère italien des Affaires étrangères, dans un communiqué affirme que «pendant des mois, nous avons demandé  à tous les acteurs de multiplier l’engagement et les efforts en Libye pour assurer des conditions acceptables pour les personnes présentes dans les centres d’accueil. En ce sens, l’Italie soutient, même financièrement l’initiative du HCR et de l’OIM qui opèrent en Libye, en sachant que la Libye n’a jamais ratifié la Convention de Genève. On doit maintenant passer de la prise de conscience à l’action rapide, efficace, pour les droits et la dignité des personnes, en associant cet effort à la lutte pour éradiquer le trafic illicite des êtres humains sur lesquels l’Europe doit être en première ligne».

Il faudrait considérer que les centres de détention «officiels» sont sous le contrôle du gouvernement central libyen, et ils ne sont pas sous l’autorité de l’UE ou des pays impliqués au Sommet de Paris. Le fait de trouver une solution à la traite des êtres humains et à la protection de leurs droits fondamentaux est un objectif primordial. Cependant, l’absence de responsabilité directe pour l’Union européenne demeure. En effet, selon Fiorenza Sarzanini, une journaliste du Corriere della Sera, pour la première fois, grâce à la médiation de l’UE et de l’Italie, l’ONU avec le HCR et l’OIM a été admise dans les centres de détention. En effet, si d’un côté il semble clair que les accords avec la Libye ont des faiblesses sur la protection des droits fondamentaux, il faut aussi reconnaître le choix du gouvernement italien, suivi plus tard par les Conclusions de l’UE. Le fait que l’ONU condamne maintenant les accords n’est pas très constructif.

Ce qui est vraiment nécessaire est la concertation entre les différents acteurs: les Etats, les organisations et les agences doivent coopérer au lieu de s’accuser les uns les autres. La question des migrants reste délicate et liée à des problématiques encore plus profondes et controversées: la crise politique libyenne n’est pas la seule et unique cause. La croissance de la population de certains pays d’Afrique centrale, qui ne correspond pas à son développement économique, provoque des déplacements. Le terrorisme islamique trouve en même temps un terrain fertile et les affrontements entre minorités ne favorisent pas les efforts de certains gouvernements prêts à s’engager pour la stabilité interne. Le point de départ pour l’UE est la Libye précisément à cause de l’instabilité politique interne. Il est donc dans l’intérêt de l’UE, et en particulier des pays méditerranéens, de trouver une solution en Libye, en impliquant les pays voisins tels que le Tchad, le Niger et le Mali pour renforcer les contrôles aux frontières. Les centres de détention ne font pas partie de la juridiction européenne ou d’un Etat européen, mais relèvent du gouvernement libyen (favorisé et reconnu par l’ONU depuis 2015) avec lequel l’UE a conclu des accords, dont les termes sont clarifiés également dans les Conclusions du Conseil. L’engagement des institutions européennes et de certains États a été noté tout au long de 2017, mais il reste des lacunes évidentes et des progrès peuvent être réalisés. Mais les meilleurs résultats ne peuvent être atteints que par une concertation des pratiques et d’intentions, évitant toute forme de «J’accuse».

Maria Elena Argano

Pour plus d’informations

Site du Conseil européen : http://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2017/07/17/libya/#

 Site du Conseil européen : http://www.consilium.europa.eu/en/meetings/european-council/2017/10/19-20/

Site du Ministère des affaires étrangères: http://www.esteri.it/mae/it/sala_stampa/archivionotizie/comunicati/2017/11/libia-italia-lavora-per-migliorare.html

Site de l’ANSA: http://www.ansa.it/europa/notizie/rubriche/altrenews/2017/11/22/libia-mogherininostro-obiettivo-chiudere-centri-detenzione_86f0ba29-2738-4301-863e-5f5179b697c2.html

Site de la CNN: http://edition.cnn.com/2017/11/14/africa/libya-migrant-auctions/index.html

Sito del Consiglio europeo: http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-5321-2017-INIT/en/pdf

 Site de l’ONU ITALIA: http://www.onuitalia.com/2017/11/14/libia-onu-boccia-accordo-con-ue-politica-intercettazioni-e-disumana/

Site du Corriere: http://www.corriere.it/cultura/17_novembre_15/i-migranti-campi-libia-lezioni-tardive-che-l-onu-vuole-darci-c80ff7ee-ca42-11e7-bae0-69536c65a470.shtml

Site de l’Huffington post: http://www.huffingtonpost.it/2017/08/28/il-vertice-di-parigi-ratifica-il-drastico-cambiamento-della-strategia-europea-sui-migranti_a_23188422/

 Site de l’Huffington post: http://www.huffingtonpost.it/2017/08/27/esclusiva-huffpost-il-documento-integrale-del-vertice-di-parigi-sullimmigrazione-primo-importante-riconoscimento-del-nuovo-approccio-del-governo-italiano_a_23187222/

Site de la Repubblica: http://www.repubblica.it/esteri/2017/07/26/news/libia_gentiloni_pieno_sostegno_italia_a_governo_al-sarraj_-171668152/

Site de l’Huffington post: http://www.huffingtonpost.it/2017/08/28/viminale-crea-una-rete-sui-migranti-task-force-con-libia-ciad-mali-niger-piu-controlli-ai-confini_a_23187939/

Site de Il Sole 24ore: http://www.ilsole24ore.com/art/mondo/2017-11-14/dopo-l-accordo-la-ue-libia-migranti-condizioni-disumane-190005.shtml?uuid=AE2vbRBD&refresh_ce=1

Site de l’Avvenire: https://www.avvenire.it/attualita/pagine/l-onu-contro-l-unione-europea-inumano-l-accordo-con-la-libia

Site de la Repubblica: http://www.repubblica.it/esteri/2017/02/02/news/migranti_accordo_italia-libia_ecco_cosa_contiene_in_memorandum-157464439/

Site du Carnegie Europe: http://carnegieeurope.eu/strategiceurope/72664

Sito del Carnegie Europe: https://carnegieeurope.eu/2017/07/19/eu-and-mediterranean-area-dealing-with-conflicts-tensions-and-resets-pub-71592

Sito del Carnegie Europe: http://carnegieeurope.eu/strategiceurope/72953

Sito del Chatham House: https://www.chathamhouse.org/expert/comment/europe-s-flawed-thinking-mediterranean-migration

Sito dell’EEAS: https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage_en/19163/EU-Libya%20relations

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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