Le 6 juin 2019, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (Agency for Fundamental Rights – FRA) a publié son rapport annuel. Ce dernier examine les principales évolutions survenues dans l’Union Européenne (UE) entre janvier et décembre 2018 et présente les avis de la FRA. Il souligne les progrès mitigés en ce qui concerne l’égalité et la non discrimination. « L’année 2018 a été marquée à la fois par des avancées et des régressions en matière de protection des droits fondamentaux ».
1. La réalisation des objectifs de développement durable dans l’UE : une question qui relève des droits de l’homme et des droits fondamentaux.
Ici est examiné les liens qui existent entre le cadre des droits de l’homme et des droits fondamentaux et les objectifs de développement durable (ODD) du programme mondial de développement durable à l’horizon 2030, établis par les États membres des Nations unies, dans le contexte des politiques internes des États membres et de l’UE.
Les ODD sont au cœur d’un programme stratégique mondial concret et ciblé destiné à orienter les actions des États et d’autres acteurs, dont l’UE, pour qui les droits de l’homme et les droits fondamentaux, ainsi que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, constituent un cadre normatif complet créant des obligations juridiques.
Les inégalités, notamment de revenus, la discrimination et le harcèlement, mais aussi la violence à l’égard des personnes pour des motifs discriminatoires et la violence à l’égard des femmes, sont une réalité pour une partie importante de la population de l’UE. En outre, de nouvelles difficultés en matière de respect de l’État de droit ont fait surface. Ainsi, il est nécessaire d’intensifier les efforts visant à réaliser pleinement les ODD (notamment l’ODD 10 relatif aux inégalités et l’ODD 16 relatif à la promotion de la paix, de la justice et d’institutions efficaces).
Pour faire face à cette réalité et réaliser les ODD dans le respect des obligations en matière de droits fondamentaux, l’UE et les États membres disposent d’une législation solide en matière de lutte contre la discrimination et d’une série de politiques sectorielles. Des mécanismes efficaces de suivi et de coordination des politiques tels que le Semestre européen peuvent également jouer un rôle majeur dans la réalisation des ODD. L’utilisation des fonds de l’UE constitue un autre outil important. Les propositions récentes de la Commission européenne lient le financement futur de l’UE dans le contexte du nouveau cadre financier pluriannuel (budget de l’UE) pour la période 2021-2027 aux conditionnalités liées aux droits (telles que le respect et l’application de la Charte des droits fondamentaux de l’UE). En outre, la Commission a proposé des pistes pour protéger le budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’État de droit dans un État membre.
Au niveau national, une réalisation des ODD fondée sur les droits gagnerait à ce que les institutions de défense des droits de l’homme, les organismes de promotion de l’égalité de traitement, les médiateurs, les autorités locales, les partenaires sociaux, les entreprises et la société civile jouent un rôle plus structuré et systématique dans les mécanismes de coordination et de suivi des ODD, ainsi que dans les comités de suivi des fonds de l’UE.
Ainsi, pour la FRA, les institutions de l’UE devraient veiller à ce les futures stratégies de l’UE en faveur d’une croissance durable reflètent, le cas échéant, tous les ODD et cibles fixés par le programme mondial de développement durable à l’horizon 2030.
2. La Charte des droits fondamentaux de l’UE et son utilisation par les États membres
Depuis 2009, la Charte des droits fondamentaux de l’UE est en vigueur en tant que déclaration des droits juridiquement contraignante de l’UE. Bien que de nombreuses références à la Charte soient superficielles, diverses décisions judiciaires montrent que la Charte peut apporter une valeur ajoutée et avoir des effets positifs.
Des États membres ont fait usage de la Charte pour leurs analyses d’impact et leurs procédures d’examen législatif. Son utilisation n’était toutefois pas systématique et semblait être l’exception plutôt que la règle. En outre, les politiques mises en œuvre par les États dans le but de promouvoir l’application de la Charte semblent demeurer des exceptions très rares, même si l’article 51 de la Charte les oblige à « promouvoir » de façon proactive l’application de ses dispositions.
Selon la FRA, il existe un déficit d’information concernant la Charte. Si la justice en fait usage, la Charte semble moins bien connue dans les autres branches du pouvoir public. Ainsi, l’agence considère que les États devraient mettre en place des initiatives et des politiques visant à favoriser la connaissance et l’application de la Charte au niveau national, afin qu’elle puisse jouer un rôle significatif, tel que la mise en place de modules de formation ciblés et axés sur les besoins portant sur la Charte et que son application soient proposés régulièrement aux juges nationaux. En outre, les États membres de l’UE devraient s’efforcer de suivre l’utilisation réelle de la Charte dans la jurisprudence et les procédures législatives et réglementaires nationales.
3. Égalité et non-discrimination
Pour la FRA, des progrès mitigés ont été constatés concernant les instruments juridiques et politiques de l’UE visant à promouvoir l’égalité et la non discrimination. Le cadre juridique actuel de l’UE offre une protection intégrale contre la discrimination fondée sur le sexe et l’origine raciale ou ethnique dans des domaines essentiels. Toutefois, elle n’offre actuellement une protection contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge et l’orientation sexuelle que dans le domaine de l’emploi et du travail.
Compte tenu de la prégnance des diverses formes de discrimination dans les domaines tels que l’éducation, la protection sociale et l’accès à des biens et services y compris le logement, la FRA estime que le législateur de l’UE devrait redoubler d’efforts pour adopter la directive relative à l’égalité de traitement. La législation de l’UE offrirait ainsi une protection intégrale contre la discrimination dans des domaines essentiels. La discrimination et les inégalités demeurent des réalités de la vie quotidienne dans toute l’UE. Par ailleurs, les personnes victimes de discrimination dénoncent rarement de tels actes. La raison la plus souvent invoquée est la conviction qu’aucun changement n’en résulterait. Dans la pratique, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’adopter des mesures spécifiques destinées à prévenir ou à compenser des désavantages liés à un motif de discrimination protégé.
La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (European Commission against Racism and Intolerance – ECRI) et le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) ont soulevé des réserves quant à l’efficacité, l’indépendance et la suffisance des ressources humaines, financières et techniques des organismes de promotion de l’égalité de traitement. Selon la FRA, les États membres de l’UE devraient veiller à ce que les organismes de promotion de l’égalité de traitement puissent s’acquitter efficacement et en toute indépendance des tâches qui leur sont assignées par la législation de l’UE en matière de lutte contre la discrimination.
Un certain nombre d’États membres ont également pris des mesures pour faire progresser l’égalité de traitement à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI). Ils ont adopté des mesures stratégiques utiles et apporté des modifications pertinentes à la législation notamment sur l’amélioration du statut des familles homoparentales ou encore l’application de procédures simplifiées pour le changement de sexe sur la base de l’autodétermination. Les juridictions de plusieurs États membres ont ouvert la voie à des améliorations de la législation ou ont veillé à leur bonne application. La FRA suggère que les États membres de l’UE soient encouragés à continuer d’adopter et de mettre en œuvre des mesures spécifiques de façon à veiller à ce que les personnes LGBTI puissent faire pleinement valoir leurs droits fondamentaux reconnus par le droit de l’UE et leur droit national.
Les restrictions sur le port de vêtements et de signes religieux au travail ou dans les lieux publics ont continué d’influencer les débats menés en 2018 dans l’UE. Ces restrictions concernent en particulier les femmes musulmanes. Bien que la plupart des États membres de l’UE justifient l’adoption de telles restrictions dans le but de préserver la neutralité́ ou de faciliter l’interaction et la coexistence sociales, il reste difficile de trouver un équilibre entre la liberté́ de religion ou de conviction et les autres objectifs légitimes poursuivis dans une société démocratique. L’application de ces restrictions s’avère particulièrement difficile dans les domaines où il n’existe pas de frontière clairement définie entre la sphère publique et la sphère privée, et la manière dont les juridictions traitent les plaintes pour discrimination dans ce contexte diffère d’un État membre à l’autre.
Ainsi, toute proposition législative ou administrative susceptible de limiter la liberté de manifester sa religion ou sa conviction devrait intégrer des considérations relatives aux droits fondamentaux, ainsi que le respect des principes de la légalité, de la nécessité et de la proportionnalité.
4. Racisme, xénophobie et l’intolérance qui y est associée
Les personnes issues de minorités et les migrants continuent d’être confrontés à un harcèlement, à une discrimination structurelle, à des préjugés enracinés et à un profilage ethnique discriminatoire répandus à travers l’UE. L’inquiétude grandissante de l’opinion publique face aux mutations économiques, géopolitiques et technologiques est exploitée en désignant comme boucs émissaires les migrants et les minorités. Les personnalités politiques populistes en particulier cherchent à diviser les sociétés selon des critères nationaux, ethniques ou religieux. Ces opinions ne se limitent pas aux extrêmes de l’échiquier politique, mais s’observent également de plus en plus au sein des partis politiques dits traditionnels et des gouvernements nationaux, ce qui demeure une source de préoccupation majeure.
En 2018, l’islamophobie et l’hostilité à l’égard des immigrés sont encore répandues dans la plupart des États membres. Les femmes musulmanes sont souvent la cible d’actes de violence. Les personnes d’ascendance africaine qui sont nées en Europe ou y vivent depuis longtemps suscitent également une animosité croissante. L’ECRI demande aux États membres de condamner la continuité des pratiques de profilage racial de la part des forces de l’ordre. La haine antisémite reste également une problématique importante. Elle est souvent considérée comme une réaction qui se justifierait par rapport aux actes du Gouvernement israélien.
Le harcèlement et la violence racistes sont malheureusement réguliers dans l’UE et restent invisibles dans les statistiques officielles. De plus, les États membres manquent d’outils et de compétences pour consigner correctement et systématiquement les infractions inspirées par la haine. La FRA estime que les États membres de l’UE devraient veiller à ce que tous les cas présumés d’infractions inspirées par la haine y compris les formes illégales de discours de haine, fassent effectivement l’objet d’une consignation d’une enquête, de poursuites et d’un procès.
5. Intégration des Roms
Les Roms continuent de faire l’objet de discrimination ethnique dans l’accès à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé et au logement. Les dénonciations d’actes de discrimination et d’infractions inspirées par la haine se sont poursuivies, confirmant que l’antitsiganisme demeure un obstacle important à l’intégration des Roms. Les Roms demeurent l’une des communautés les plus marginalisées en Europe, les filles et les femmes Roms étant particulièrement vulnérables .
Des mesures concrètes pour lutter contre l’antitsiganisme et la discrimination généralisée à l’égard des Roms ne sont pas encore systématiquement mises en place dans l’UE. En outre, elles ne constituent pas non plus une priorité essentielle dans les stratégies nationales d’intégration des Roms et les politiques connexes aux niveaux européen, national, régional et local. Nombre des stratégies nationales d’intégrations des Roms mises en place par les États membres ne font aucune mention explicite de l’antitsiganisme. Peu de mesures visant à faire appliquer la législation de l’UE en matière de lutte contre la discrimination à l’égard des Roms ont été adoptées en 2018. Les États membres devraient revoir leurs stratégies nationales d’intégration des Roms, reconnaître l’antitsiganisme comme une forme de racisme, qui peut conduire à des formes de discrimination structurelle, préciser leurs mesures générales en matière de lutte contre l’antitsiganisme.
Très peu de Roms victimes de harcèlement et de violence inspirée par la haine dénoncent ces actes aux organisations compétentes. Le manque de confiance des Roms envers les institutions conforte cette tendance. Pour agir sur le faible niveau de dénonciation de discrimination et d’antitsiganisme aux autorités, les États membres de l’UE devraient veiller à ce que les services répressifs coopèrent avec les organismes de promotion de l’égalité de traitement, les institutions nationales compétentes en matière de défense de droits de l’homme. L’objectif est de faciliter la dénonciation des actes de traitement discriminatoire, par exemple par une procédure de dénonciation par des tiers.
Les fonds structurels et d’investissement européens peuvent permettre de promouvoir et faciliter la participation des Roms et les projets d’intégration menés par les communautés. La nouvelle génération de fonds européens devraient explicitement inclure la participation des Roms à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des investissements en matière d’inclusion des Roms au niveau local.
6. Asile, visas, migration, frontières et intégration
Bien que le nombre de personnes déplacées dans le monde soit resté élevé, les arrivées dans l’UE ont continué de diminuer. En 2018, 2.299 personnes ont perdu la vie en tentant de traverser la Méditerranée.
Les allégations de refoulement et de mauvais traitement des migrants et des réfugiés par les forces de police ont persisté. Les dirigeants européens ont appelé à l’adoption d’une approche globale de la migration, qui mette un accent particulier sur la lutte contre la migration irrégulière et les mouvements non autorisés au sein de l’UE. Parallèlement, l’intégration des réfugiés arrivés en 2015-2016 s’est améliorée en dépit de l’existence de divers obstacles.
En vertu du droit international de la mer, les personnes secourues en mer doivent être débarquées en lieu sûr. En 2018, des divergences entre les États membres de l’UE sur l’endroit où les navires de sauvetage devraient accoster ont conduit les migrants à attendre en mer pendant des jours, voire des semaines. Certains États membres ont continué de maintenir des installations à leurs frontières, dans lesquelles les demandeurs d’asile sont retenus pendant que les autorités examinent leurs demandes. Parallèlement, les dénonciations de violation du principe de non-refoulement se sont multipliées, de même que les dénonciations de violences policières aux frontières.
La FRA recommande que l’UE et ses États membres coopèrent avec les organisations internationales compétentes et les pays tiers afin d’assurer un débarquement sûr, rapide et prévisible des migrants et des réfugiés secourus en mer, conformément au principe de non-refoulement. En outre, les centres de traitement des demandes d’asile établis dans l’UE doivent respecter pleinement l’article 6 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, consacrant le droit à la liberté et à la sûreté, et prévoir des garanties suffisantes de l’équité des procédures d’asile et de retour. Les États membres de l’UE doivent renforcer les mesures de prévention des comportements abusifs de la part des services répressifs et enquêter efficacement sur toutes les allégations crédibles de refoulement et de violence aux frontières de la part de ces mêmes services.
La tendance concernant l’intimidation des travailleurs humanitaires et des volontaires qui apportent une aide aux migrants en situation irrégulière se poursuit et reste préoccupante. Les pratiques d’intimidations ont ciblé à la fois les navires de sauvetage déployés par la société civile en Méditerranée et les volontaires et les organisations non gouvernementales actives dans l’UE. La FRA recommande que les États membres évitent d’adopter des mesures qui ont un effet dissuasif, direct ou indirect, sur la fourniture d’une aide humanitaire aux migrants et réfugiés dans le besoin, et indique qu’ils devraient donner suite aux recommandations pertinentes formulées par les institutions nationales de défense des droits de l’homme. En outre, Les États membres de l’UE devraient supprimer les restrictions imposées aux organisations de la société civile qui déploient des navires de sauvetage en mer Méditerranée.
Les personnes bénéficiant d’une protection internationale jouissent d’un ensemble de droits énoncés dans la Convention de 1951 relatives au statut des réfugiés, consacrée dans le droit primaire et dans le droit dérivé de l’UE. Entre 2015 et 2017, plus de 1,4 million de personnes ont bénéficié d’une protection internationale dans les 28 États membres de l’UE. Selon la FRA, dans six États membres, la lenteur des procédures d’obtention d’un permis de séjour a rendu difficile l’accès des réfugiés à l’éducation et à l’emploi, a nui à leur santé mentale et pourrait accroître leur vulnérabilité à l’exploitation et à la criminalité.
Le taux d’intégration des réfugiés et des bénéficiaires d’une protection internationale/humanitaire sur le marché de l’emploi reste faible, en particulier parmi les femmes. Le rapport annuel de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance indique que « les États membres doivent s’attaquer aux facteurs spécifiques d’ordre socio-économique et culturel qui font obstacle à l’emploi de ces dernières ». De plus, d’après les données recueillies par la FRA, les réfugiés sont exposés au risque de devenir sans-abri lorsqu’ils bénéficient d’une protection internationale. Ainsi, la FRA exhorte les États membres de l’UE à redoubler d’efforts pour que les personnes bénéficiant d’une protection internationale jouissent pleinement des droits conférés par la Convention de 1951, le droit international des droits de l’homme et le droit de l’UE applicable, afin de favoriser leur intégration dans la société d’accueil.
7. Société de l’information, vie privée et protection des données à caractère personnel
En 2018, les révélations sur l’utilisation abusive à grande échelle des données à caractère personnel ont suscité des inquiétudes et ont fait prendre conscience de la nécessité d’instaurer des garanties solides en matière de protection de la vie privée et des données : le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) entré en application le 25 mai 2018, l’ouverture à la signature du Protocole d’amendement à la Convention 108 par le Conseil de l’Europe. Ces instruments offrent aux individus un cadre juridique renforcé pour protéger leurs droits au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel. La mise en place d’un cadre juridique revêt une importance capitale dans la mesure où l’évolution rapide des technologies s’accompagne à la fois de possibilités économiques et d’enjeux juridiques. Il est donc essentiel de veiller à ce que le cadre juridique de l’UE soit régulièrement actualisé afin de l’aligner au vu des nouvelles évolutions technologiques.
Toutefois, la mise en œuvre et l’application des règles relatives à la protection des données à caractère personnel sont restées source de difficultés. La FRA encourage à la participation effective d’organismes qualifiés de la société civile à l’application de ces dernières, en leur fournissant la base juridique nécessaire pour introduire des réclamations concernant des violations de la protection des données, indépendamment de tout mandat confié par une personne concernée.
La protection des données à caractère personnel dans le domaine répressif est une priorité. Toutefois, l’UE n’a toujours pas adopté de législation sur la conservation des données. Par conséquent, la situation varie d’un État membre à l’autre, en particulier sur le plan de la législation. Certains États membres n’ont apporté aucune modification notable à leur législation. L’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) dans l’affaire Tele 2 et Watson confirme que la législation nationale régissant la conservation des données et l’accès à celle-ci à des fins pénales et de sécurité publique relève du champ d’application du droit de l’UE et de la directive sur la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (article 15 paragraphe 1). La FRA recommande aux États membres de l’UE d’aligner leur législation en matière de conservation des données sur les arrêts rendus par la CJUE et d’éviter la conservation généralisée et indifférenciée des données par les fournisseurs de services de télécommunication.
La législation nationale doit prévoir, d’une part, des garanties procédurales et substantielles en matière d’accès aux données conservées de manière à garantir efficacement les droits au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel et, d’autre part, des contrôles de proportionnalité stricts. Dans le domaine de l’intelligence artificielle et des mégadonnées, les États membres devraient placer les droits fondamentaux au cœur des stratégies qu’ils mettent en place.
8. Droits de l’enfant
Pour l’année 2018, une tendance à la réduction de la pauvreté infantile est constatée. Malgré cela, elle persiste. Un enfant sur quatre est exposé au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. En outre, les enfants dont les parents sont nés en dehors de l’UE ou de nationalité étrangère sont plus susceptibles d’être en situation de pauvreté.
Dans certains États membres, les conditions d’accueil, y compris le recours à la rétention des immigrants demeurent un sérieux problème. Les États membres ont tardé à transposer en droit national la Directive de 2016 relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales. Peu d’entre eux ont aligné leur législation sur les exigences de cette directive.
Ainsi, dans le cadre des migrations, les États membres de l’UE devraient, conformément à la directive sur les conditions d’accueil, fournir aux enfants des services de base tels qu’un logement adéquat, une représentation en justice, un accès à la scolarisation et à l’éducation continue et offrir d’autres possibilités non privatives de liberté au lieu de rétention. Les États membres de l’UE doivent envisager de fournir également une aide juridictionnelle à tous les enfants y compris une représentation en justice gratuite tout au long de la procédure et de mettre à disposition des avocats spécialisés.
9. Accès à la justice, y compris droits des victimes de la criminalité
L’indépendance de la justice est une composante essentielle de l’État de droit. Les obstacles à cette indépendance ont continué de s’amonceler. La situation de l’État de droit dans certains États membres de l’UE, notamment en ce qui concerne l’indépendance de la justice, a suscité une inquiétude croissante. Ce constat a incité à demander pour la première fois au Conseil d’adopter une décision au titre de l’article 7 paragraphe 1 du Traité sur l’Union Européenne (TUE) dite « procédure de sanction ». En outre, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement relatif à la protection du budget de l’UE en cas de défaillance généralisée de l’État de droit dans un État membre.
Parmi les avancées positives constatées en 2018 figure l’adoption par environ deux tiers des États membres de l’UE d’une législation visant à mettre en œuvre la directive sur les droits des victimes, en renforçant les garanties relatives à la participation aux procédures pénales. La FRA incite à poursuivre les efforts sur les droits des victimes afin de sensibiliser toutes les victimes de crime et leur garantir un accès à des services de soutien appropriés ainsi qu’à des voies de recours utiles.
Fin 2018, 20 États membres ont ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Cette convention est une référence européenne en matière de protection des femmes contre la violence. L’article 36 oblige, par exemple, les États parties à ériger en infraction pénale les actes à caractère sexuel non consentis et à adopter une approche qui mette en évidence et renforce l’autonomie sexuelle d’une personne. Toutefois, « la lenteur d’application de la Convention pourrait aussi être imputée à l’invisibilisation des violences faites aux femmes ».
10. Progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées
Dix ans après son entrée en vigueur, la Convention des Nations unies relative aux Droits des Personnes Handicapées (CDPH), a été ratifiée par tous les États membres en 2018.
Au niveau de l’UE, l’accord provisoire conclu entre le Parlement et le Conseil sur l’accessibilité́ a marqué une étape importante dans la mise en œuvre de la CDPH. Parallèlement aux mesures visant à garantir les droits des personnes handicapées dans les instruments de financement de l’UE pour le cadre financier pluriannuel 2021-2027, cet accord montre combien la CDPH a une influence concrète sur l’élaboration des législations et des politiques de l’UE.
Au niveau des Etats membres, des lacunes subsistent dans la mise en œuvre et le suivi de la CDPH. Toutefois, les initiatives prises dans un certain nombre d’États membres afin d’associer les personnes handicapées et leurs organisations représentatives aux processus décisionnels attestent de progrès graduels dans la réalisation de l’un des objectifs majeurs de la CDPH.
Dans un communiqué accompagnant le rapport, Michael O’Flaherty, directeur de la FRA, a déclaré que « les signaux d’alarme des droits fondamentaux sont au rouge dans toute l’UE alors que les inégalités, le harcèlement et les préjugés ne cessent de croître ». Partout dans l’UE, l’intolérance croissante et les atteintes aux droits fondamentaux des personnes continuent à éroder les progrès considérables accomplis jusqu’ici.
Nathan Josefsberg.