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Indispensable l’Europe ! Pourquoi ?

Dans ce monde si dangereux, un objectif pour l’Europe : limiter la casse et influencer le plus possible.

Nos rêves et nos cauchemars sont devenus vraisemblables en même temps, la mondialisation n’est ni globale, ni mondiale, 1% de la population possède 99% de la richesse, la mondialisation enrichit les Européens mais accroît considérablement le différentiel entre riches et pauvres; elle unifie tant bien que mal la scène économique et financière, mais l’inquiétude sur l’avenir grandit considérablement. L’Occident n’est pas le gagnant incontestable. Le sentiment de vulnérabilité s’exacerbe. Face aux crises, l’Europe est en première ligne de ces crises qu’elle n’a pas créées. Ce qui semblait acquis ne l’est plus.

Qu’est-ce que le terrorisme, sinon la manifestation à l’intérieur de l’Europe de conflits non résolus à l’extérieur ? Une réaction souverainiste et identitaire n’est manifestement pas la bonne réponse et la seule réponse possible : l’Europe n’avait pas été préparée, ni armée contre les évolutions du monde. Pendant 60 ans, l’Europe est sortie de l’Histoire. Notre insignifiance stratégique nous dessert : un seul exemple, nous n’avons pas voulu réellement gérer le Proche-Orient et nous sommes désormais en première ligne des effets de ce conflit. Oublieuse de beaucoup de choses, l’Europe s’est concentrée sur l’économie au point de devenir en 2018 la première puissance économique et commerciale du monde. Pire, la coïncidence entre les intérêts américains et ceux de l’Europe n’est plus automatique.

La conclusion s’impose alors, comme le souligne Nicole Gnesotto, professeure au Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris, dans son ouvrage « L’Europe indispensable » (CNRS Editions) : « quand un allié devient un danger, il devient également urgent de changer de politique ». La force pacificatrice des marchés s’est révélée une illusion : « cet angélisme commercial nous déstabilise aujourd’hui avec fracas » (N. Gnesotto). Les conséquences sont évidentes à ses yeux : « L’émergence d’une société mondiale unie et solidaire ne naît pas automatiquement de l’unification des marchés. Si on veut aider à l’émergence  d’une solidarité politique entre les peuples citoyens européens, alors il faut concevoir et mettre en œuvre une volonté, une dynamique, des efforts proprement politiques ». Nous sommes loin de l’ambition du pré carré national !

Et l’armée européenne, dira-t-on ? L’armée européenne fait peur : pour les uns, les plus réfléchis, elle est synonyme d’autonomie stratégique, mais pour cette raison elle agace furieusement à l’extérieur de l’Union. Elle implique plus d’intégration et irrite à l’intérieur tous ceux qui s’accrochent à l’illusion de leur souveraineté du passé. Pourtant, l’idée de défense européenne est populaire, la preuve, pour l’Eurobaromètre, les Européens sont en moyenne à 75 % à plébisciter la politique de sécurité et de défense commune (PSCD). Peut-on imaginer terme plus fort ?

Une volonté d’entrainement ou l’isolement ! Une Europe refondée, qui s’exprime. Trop de procédures et une absence de vision à moyen et long terme. Ce sont les grandes questions, mais au bout du compte la question essentielle n’est-t-elle pas : l’ordre multilatéral actuel est-il suffisamment institutionnalisé pour opposer sa forte résilience face à la vague mondiale du populisme construit sur l’unilatéralisme ? Certains observateurs, pas les plus aveugles, font observer que le multilatéralisme actuel est infiniment plus enraciné dans le système international qu’il ne l’était dans l’entre deux guerres. Il enserre les Etats dans un réseau dense d’institutions et de règles très fortement connectées dont les interdépendances multiples engagent solidement les Etats les uns envers les autres, bien plus qu’ils ne veulent l’admettre. L’oublier serait s’exposer cruellement : le multilatéralisme survivra à un Donald Trump, fût-il réélu, car les Etats n’ont pas d’autres alternatives pour gouverner le monde.

Quoi qu’il en soit, face aux Etats-Unis, à la Russie, à la Chine, l’Europe demeure l’une des rares puissances globales légitimes sur tous les dossiers d’envergure internationale. L’échec de Sylvie Goulard au poste de Commissaire européen nous enseigne qu’’au-delà des raisons circonstancielles ayant conduit à cette non désignation, il importe d’en tirer toutes les leçons afin de favoriser une bien meilleure articulation, plus harmonieuse, entre pratiques politiques nationales et européennes. Fondamentalement, il s’agit de mieux comprendre pour accepter les différences entre les pays européens en matière de culture parlementaire, de culture de coalition, d’entente et en matière de normes éthiques plus que de normes commerciales ou financières. Un bon résultat pour l’Europe résulte de compromis patiemment négociés entre une multitude d’acteurs, dont aucun ne  peut prétendre imposer son leadership. Et les majorités qu’il faut trouver sont plus incertaines et instables que jamais. Or l’UE est porteuse de normes éthiques qui doivent s’appliquer uniformément. Nos responsables politiques doivent mieux savoir lire le bon fonctionnement de l’UE, notamment aux yeux de nos concitoyens. Les équilibres sont subtils et c’est pour cela qu’ils sont fragiles.

Henri-Pierre Legros.

Pour en savoir plus : https://www.bruxelles2.eu/2019/06/06/entretiens-leurope-doit-mieux-reflechir-a-sa-defense-l-gautier/

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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