La « marque Europe » ou la nouvelle phase dans la politique de promotion

La réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) envisagée par la Commission Européenne et en ce moment débattue par les autres institutions, au Parlement et au Conseil, tente de répondre, en se projetant sur le long terme, aux défis engendrés parla PAC elle-même (inégalité, atteintes à l’environnement, distorsions de concurrence) et aux réformes successives de celle-ci qui ont progressivement amené l’agriculture européenne à s’exposer aux turpitudes des marchés. Ainsi, dans une optique de « développement durable », il s’agit de faire « mieux et plus » alors même que le budget – qui n’a pas encore été précisé -, ne devrait pas changer (à en croire les Perspectives Financières de 2014 – 2020 présentées en juin 2011). 

Si le « verdissement » dela PAC est un des grands chantiers de la réforme actuelle et induit des changements (1), la recherche d’une plus grande compétitivité est également au cœur de cette réforme. Ainsi dans sa Communication de Novembre 2010 sur «La PAC à l’horizon 2020 » (2),la Commission constatait que « l’agriculture de l’UE se heurte aujourd’hui à un environnement beaucoup plus concurrentiel du fait de l’intégration croissante de l’économie mondiale et de la libéralisation accrue des échanges ». Cette situation est considérée comme un défi mais « ouvre également des perspectives aux exportateurs européens de produits alimentaires ». Dans cette optique, « il est important de continuer de renforcer la compétitivité et la productivité du secteur agricole de l’UE ».

Outre les questions de répartition de budget (entre les pays de l’Ouest et ceux de l’Est, entre les piliers) faisant débat dans les institutions, toute une partie du travail dela Commissionet du responsable en charge des questions agricole et de développement rural, Monsieur Dacian Cioloș, est de faire en sorte que les produits agricoles européens deviennent plus compétitifs, sur le sol européen et à l’extérieur de ses frontières. C’est pour cela que la Commissionentend également réformer la Politiqued’information et de promotion en faveur des produits agricoles, qui constituera « une action phare du renforcement de la compétitivité de l’agriculture de l’UE » (3). Ce travail de proposition de la Commission prolonge l’adoption d’un Livre Vert (4) sur cette Politique et un rapport d’évaluation externe conduite en 2011. Le Commissaire prend dorénavant acte du désengagement du secteur public dans les aides apportées et considère « une bonne promotion plutôt que des restitutions » (5). Il s’agit ainsi d’améliorer cette politique complémentaire, politique à l’intérieur dela Politique, en communiquant davantage sur « les efforts des producteurs de l’Union à atteindre ce haut niveau de qualité, déployer l’éventail des produits et des saveurs des régions de l’Union » (6). Cette réforme participerait au grand chantier de « redonner du sens à la PAC», éprouvée il est vrai par les critiques de toutes parts.

La Communication de la Commissionessaye de répondre aux défauts de cette politique de promotion et, par là, d’en faire un instrument important pour faire gagner des parts de marché aux produits agricoles européens évoluant dorénavant dans un contexte mondialisé et libéralisé. L’atout principal évoqué est celui de la qualité des produits européens. Ainsi, en prenant acte de la libéralisation inéluctable et de son corollaire, la fluctuation des prix,la Commission Européenne énonce que sa compétitivité ne se fera pas sur les prix mais sur la qualité des produits. L’accent sera mis essentiellement sur la différenciation des produits, entre ceux de qualité produits à l’intérieur de l’UE et ceux de moindre qualité à l’extérieur.

Quatre objectifs ont retenu l’attention de la Commission :

–          Apporter une dimension européenne spécifique aux produits agricoles ;

–          Créer des campagnes qui interpellent et une étude d’impact dans les pays tiers ;

–          Clarifier des rôles entre Etats et Commission pour une meilleure flexibilité des programmes ;

–          Trouver des synergies dans les promotions des différents secteurs afin de rendre cohérent l’ensemble de la politique de promotion dela PAC

Pour ce faire, la Commissionenvisage différentes « orientations » :

–          Faire en sorte que la politique de promotion aille au-delà des organisations professionnelles et atteigne une population beaucoup plus élargie ;

–          Homogénéiser la liste des produits éligibles (plus de différence marché interne / externe) ;

–          Promouvoir et soutenir davantage les systèmes européens de qualité alimentaire (Appellation d’origine contrôlée (AOP), indication géographique protégée (IGP), spécialités traditionnelle garanties (STG)) ;

–          Davantage illustrer les caractéristiques des produits européens grâce à des messages thématiques (sur la qualité, la gastronomie, la santé, le développement durable) ;

–          Toujours mentionner « origine Europe » (à titre principal ou en accompagnement à côté d’autres appellations spécifiques) comme garantie d’un savoir-faire et un style de vie européen propre

A l’intérieur comme à l’extérieur de l’Europe, il s’agit ainsi de promouvoir une spécificité européenne, gage de qualité, qui doit permettre à terme de construire une véritable « marque Europe » légitimant les produits agricoles européens vis-à-vis de la concurrence.

Notes de bas de pages :

(1)       « 30 % de l’enveloppe attribués aux paiements écologiques, introduction (progressive) de la directive-cadre Eau dans l’éco-condi¬tionnalité, inclusion des surfaces d’intérêt écologique et des surfaces classées pour protection de la nature dans la surface éligible aux paiements de base affichent un réel changement ». Pour un premier bilan des réformes envisagées et si celles-ci forment une « grande réforme » voir Louis Pascal Mahé, Le projet de PAC pour l’année 2013 annonce t-il une grande réforme ?, Think Tank Notre Europe, 2012 ; http://www.notre-europe.eu/uploads/tx_publication/ReformePAC_LP-Mahe_NE_Mars2012.pdf

(2)       Communication de la Commission Européenne« La PACà l’horizon 2020 », novembre 2010 : COM(2010) 672 : http://ec.europa.eu/agriculture/cap-post 2013/communication/com2010-672_en.pdf

(3)       COMMUNICATION DE LA COMMISSION AUPARLEMENT EUROPEEN, AU CONSEIL, AU COMITE ECONOMIQUE ET SOCIAL EUROPEEN ET AU COMITE DES REGIONS, La promotion et l’information en faveur des produits agricoles : une stratégie à forte valeur ajoutée européenne pour promouvoir les saveurs de l’Europe, 2012 :  http://ec.europa.eu/agriculture/promotion/policy/communication/com2012-148_fr.pdf

(4)       Livre Vert sur la politique de promotion : COM(2011)436 : http://ec.europa.eu/agriculture/promotion/policy/green-paper/com2011-436_en.pdf

(5)       Discours de Monsieur Dacian Cioloș, La promotion des saveurs de l’Europe, Bruxelles, 30 mars 2012 : http://europa.eu/newsroom/index_fr.htm

(6)            COMMUNICATION, op cit, note 3

Mathieu Arnaudet

(Master complémentaire Institut d’Etudes Européennes – Université Libre de Bruxelles)

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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