Protection pénale de l’euro et des autres monnaies contre la contrefaçon.

La contrefaçon de l’euro est un sujet de préoccupation compte tenu de l’importance de cette monnaie, partagée par 17 États membres et utilisée à grande échelle dans les transactions commerciales internationales. Depuis l’introduction de la monnaie unique en 2002, la contrefaçon aurait entraîné un préjudice financier d’au moins 500 millions d’euros.La décision-cadre 2000/383/JAI du Conseil a renforcé par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage avant la mise en circulation de l’euro. Elle a complété, sur le territoire de l’Union européenne, les dispositions de la convention internationale pour la répression du faux monnayage contenues dans la Convention de Genève du 1929.

  La contrefaçon de l’euro et des autres monnaies reste un sujet de préoccupation dans l’ensemble de l’Union européenne. Il est fondamental de garantir la confiance des citoyens, des entreprises et des établissements financiers dans l’authenticité des billets et des pièces. La contrefaçon de l’euro constitue une source de préoccupation particulière en raison de l’importance de cette monnaie. En effet, la valeur des billets en euros en circulation dans le monde est d’environ 900 milliards, c’est-à-dire l’équivalente des billets en dollars des Etats-Unis en circulation. Aujourd’hui, l’euro est considéré la deuxième monnaie la plus importante au monde.

 Pour ces raisons, l’euro devient toujours plus la cible de groupes criminels organisés actifs dans le faux monnayage. La contrefaçon de l’euro a entraîné un préjudice financier d’au moins 500 millions d’EUR depuis l’introduction de la monnaie unique en 2002. La BCE a noté une hausse de 11,6 % de la quantité récupérée au cours du second semestre de 2012 par rapport aux mois précédents. En outre, le rapport annuel 2011 du Centre technique et scientifique européen (CTSE) a signalé la découverte permanente de nouveaux types de fausses pièces en euros et une forte augmentation du nombre de fausses pièces très perfectionnées.

 Ces éléments montrent que les mesures en vigueur contre la contrefaçon n’ont pas atteint le niveau de dissuasion requis et qu’il y a donc besoin d’améliorer la protection contre la contrefaçon. Il est à noter qu’il y a des différences juridiques considérables entre États membres notamment en ce qui concerne les niveaux des sanctions applicables aux principales formes de faux monnayage. Cette situation rend plus complexe encore  la lutte contre la production et la distribution de fausse monnaie à niveau européen.

 S’il est vrai que le niveau minimal de la peine maximale applicable à la production de fausse monnaie a été harmonisé en l’an 2000 à hauteur de huit ans d’emprisonnement, la situation est différente en ce qui concerne le niveau minimal des sanctions applicables au faux monnayage. Certains États membres n’ont pas de sanction minimale ou leurs dispositions législatives ne prévoient que des amendes, tandis que dans d’autres, cette sanction minimale s’élève à pas moins de dix ans d’emprisonnement. De toute évidence l’ampleur actuelle des différences entre les systèmes de sanctions des États membres a une incidence négative sur la protection pénale de l’euro et des autres monnaies contre la contrefaçon.

 Contexte juridique. La convention de Genève établit des règles visant à assurer que des sanctions pénales sévères et d’autres sanctions puissent être infligées pour des infractions de contrefaçon. Elle contient également des règles concernant la compétence judiciaire et la coopération. À la suite de la ratification de la convention de Genève adoptée le 20 avril 1929, on constate effectivement un certain niveau de rapprochement des législations nationales contre le faux monnayage.

 La décision-cadre 2000/383/JAI du Conseil visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l’euro a pour objet de compléter, sur le territoire de l’Union européenne, les dispositions de la convention de Genève de 1929. Pour ces infractions, notamment contrefaçon et distribution, la décision-cadre exige des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. Elle contient, en outre, des dispositions concernant la compétence judiciaire et la responsabilité des personnes morales. Cette décision-cadre a été modifiée par la décision-cadre 2001/888/JAI du Conseil du 6 décembre 2001, qui a introduit une disposition relative à la reconnaissance mutuelle des condamnations à des fins de reconnaissance des «récidives».

Malgré le développement de l’acquis de l’Union dans ce domaine, certaines lacunes sont apparues au grand jour. Bien que tous les États membres, à quelques exceptions près, aient officiellement mis en œuvre la décision-cadre correctement, ils ont adopté des règles divergentes.

 Eléments juridiques de la proposition. La compétence de l’Union pour établir des «règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière résultant du caractère ou des incidences de ces infractions ou d’un besoin particulier de les combattre sur des bases communes» figure à l’article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). La contrefaçon de moyens de paiement est explicitement mentionnée à l’article 83, paragraphe 1, du TFUE comme relevant d’un tel domaine de criminalité particulièrement grave.

 La contrefaçon de l’euro pose un réel problème tant pour l’Union que pour ses citoyens, ses entreprises et ses établissements financiers. Le fait que l’euro soit la monnaie unique de la zone euro signifie que l’infraction de contrefaçon de l’euro doit nécessairement être considérée comme causant le même préjudice partout dans la zone euro, quel que soit l’endroit où cette infraction est commise.

 Seule l’Union est en mesure d’élaborer une législation contraignante qui soit applicable dans l’ensemble des États membres et, ainsi, de créer un cadre juridique pouvant contribuer à combler les lacunes actuelles.

 Aux termes de l’article 5 de la convention de Genève, il ne doit pas être établi, au point de vue des sanctions, de distinction entre les faits suivants qu’il s’agit d’une monnaie nationale ou d’une monnaie étrangère. Aussi la protection accrue de l’euro devrait-elle être étendue à toutes les monnaies.

 Les sanctions proposées sont proportionnées à la gravité des infractions et à l’incidence considérable de la contrefaçon de l’euro et des autres monnaies sur les citoyens et les entreprises. Elles sont conformes aux sanctions actuellement prévues dans la législation d’une majorité d’États membres. Étant donné que de nombreux États membres prévoient déjà la notion de peines minimales, il est approprié et cohérent que cette notion soit utilisée au niveau de l’Union.

 Proposition de directive. Le nouveau projet de directive impose aux États membres de prévoir, dans leur législation nationale, l’échelle des sanctions prévue à l’article 5, sans aller en dessous des niveaux minimaux demandés. Toutefois, les règles et principes généraux du droit pénal national relatifs à l’application et à l’exécution des peines selon les circonstances concrètes restent applicables.

 Il s’agit, notamment, des règles générales relatives à l’application des peines aux mineurs, aux cas de tentative, de simple soutien à la participation ou aux cas dans lesquels l’auteur des faits contribue à la découverte ou à la prévention d’infractions graves. En ce qui concerne l’exécution des peines, les principes généraux, tels que ceux portant sur les peines d’emprisonnement avec sursis, sur les mesures de substitution à l’emprisonnement (surveillance électronique) ou sur la libération anticipée, continueront à s’appliquer. Dans chaque cas, les cours et tribunaux exerceront leur pouvoir discrétionnaire en tenant compte de l’ensemble des circonstances aggravantes et atténuantes, dans les limites du cadre juridique applicable.

Cette proposition a des effets sur les droits et principes suivants de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne: le droit à la liberté et le respect de la vie familiale (en cas de condamnation de l’auteur d’une infraction à une peine d’emprisonnement), la liberté professionnelle et la liberté d’entreprise (en cas d’interdiction d’exercer imposée à la personne condamnée), le droit de propriété (en cas de condamnation à fermer l’entreprise à l’origine des infractions), le principe de légalité et de proportionnalité des délits et des sanctions (du fait de la définition d’infractions et de l’échelle des sanctions) et le droit à ne pas être jugé deux fois pour une même infraction (en raison de la possible interaction avec les régimes de sanctions administratives). Ces interférences sont justifiées parce qu’elles visent à répondre à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (voir l’article 52, paragraphe 1, de la Charte) et, en particulier, à prévoir des mesures effectives et dissuasives de protection de l’euro et des autres monnaies.

 Plus particulièrement, des garanties explicites ont été fixées dans l’instrument lui-même pour préciser le droit à un recours effectif et à un procès équitable, y compris les droits de la défense, ce qui assure un niveau équivalent de protection juridictionnelle effective par les juridictions nationales. Les sanctions demandées sont proportionnées aux infractions commises.

 Concrètement, la proposition de directive conserve les définitions des infractions établies par la décision-cadre mais étend le champ d’application des sanctions en érigeant également en infractions pénales l’incitation, la complicité et la tentative de faux monnayage.

En outre, la Commission européenne a proposé d’appliquer des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. Ainsi, pour les infractions graves de production et de distribution de fausse monnaie, elle a prévu une peine comprise entre au moins six mois et huit ans d’emprisonnement pour les personnes physiques. Elle souhaite que les États membres veillent également à la responsabilité des personnes morales en leur appliquant des sanctions, tout en excluant que cette responsabilité soit une alternative à celle des personnes physiques.

 En outre, le texte vise:

 – à faire en sorte que les outils d’investigation qui sont prévus par les législations nationales pour les affaires relatives à la criminalité organisée ou à d’autres formes graves de criminalité puissent également être utilisés dans les affaires de faux monnayage ;

–        impose aux États membres de veiller à ce que les centres nationaux d’analyse et les centres nationaux d’analyse des pièces soient également en mesure d’examiner les faux billets et les fausses pièces en euros au cours du déroulement des procédures judiciaires afin de détecter d’autres euros de contrefaçon en circulation ;

      –     oblige les États membres dont la monnaie est l’euro à exercer, sous certaines conditions, une compétence universelle sur les infractions relatives à la contrefaçon de l’euro commises en dehors de l’Union européenne.

 En conclusion, après l’adoption de la directive on garantira par des mesures de droit pénal une meilleure protection de l’euro et des autres monnaies contre la contrefaçon, en renforçant la protection des pièces et des billets non seulement en circulation, mais aussi pas encore mis en circulation. Cela devrait donc améliorer la coopération intergouvernementale entre les services policiers et les autorités judiciaires. L’euro est la monnaie unique de l’union économique et monétaire établie par l’Union européenne. Il s’agit donc d’un «bien» commun véritablement européen qu’il convient de protéger de façon cohérente dans l’ensemble de l’Union européenne, plus particulièrement en fixant un niveau minimal des sanctions applicables aux infractions graves de production et de distribution.

 Cesare Tanda

 

 

En savoir plus:

       -. Proposal for a directive of the European Parliament and of the Council on the protection of the euro and other currencies against counterfeiting by criminal law, and replacing Council Framework Decision 2000/383/JHA:

(EN ) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2013)0042_/com_com(2013)0042_en.pdf(FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2013)0042_/com_com(2013)0042_fr.pdf

       -. Draft report McINTYRE on the protection of the euro and other currencies against counterfeiting by criminal law, and replacing Council Framework Decision 2000/383/JHA: (EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/pr/939/939155/939155en.pdf (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/pr/939/939155/939155fr.pdf

       -. Proposition de directive relative à la protection pénale de l’euro et des autres monnaies contre la contrefaçon: http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/note/join/2013/508964/IPOLJOIN_NT(2013)508964_FR.pdf

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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